A propos, (au nom de l’équité bien sûr -qui, chacun le sait, s’oppose à l’Egalité et au progrès social et s’apparente plus à la charité) de la mise sous conditions de ressource de prestations sociales, RéSo accueille ci-dessous 2 "coups de gueule »
La Cour des comptes veut la fin de la Sécu (par Gilles Casanova)
Le Conseil national de la Résistance qui a créé la Sécurité sociale a débattu de cette question et il est arrivé à la conclusion que si les plus aisés bénéficiaient moins des systèmes sociaux alors, comme ce sont eux qui ont le plus de poids dans la société, ces systèmes sociaux s’arrêteraient assez vite. On comprend très bien que quelqu’un qui va payer beaucoup plus cher pour la Sécurité sociale car il a des revenus plus élevés et qui va toucher beaucoup moins de remboursements, va très vite choisir un dispositif privé comme l’Union européenne lui en donne le droit. Aujourd’hui en dehors de Raphaël Glucksman qui a fait campagne pour cela, personne ne le fait mais si des centaines de milliers de gens aisées décident de s’assurer dans une compagnie privée au Luxembourg, alors la chose sera différente. C’est ce que veut la Cour des Comptes, sous un air "progressiste", c’est la fin de la Sécurité sociale universelle, en faveur d’un dispositif de charité à l’anglo-saxonne et Blackrock pour la population plus rentable.
L’équité détruirait toute idée égalitaire (par Denis Collin)
Ainsi la Cour des comptes propose-t-elle de conditionner les remboursements de l’assurance maladie aux revenus du bénéficiaire. Sur ce sujet j’avais écrit en 2001 (dans ’Morale et justice sociale") : "On objectera qu’il est difficile de ne pas admettre l’existence de droits différenciés dans le domaine social. Par exemple, tout le monde trouve juste que les bourses soient réservées aux élèves pauvres et non aux élèves issus de familles plus favorisées. Suivant la même logique, il a semblé naturel de mettre toutes les prestations familiales sous condition de ressources, par exemple, réserver les allocations familiales aux familles les moins favorisées, tout comme les allocations pour le logement sont réservées à ceux qui, sans cela, ne pourraient se loger décemment. Ajoutons que les distributions en apparence égalitaires ne le sont guère. Ainsi l’enseignement supérieur est quasi gratuit pour tous. Mais comme les enfants des classes défavorisées accèdent moins souvent à l’enseignement supérieur que ceux des cadres, enseignants et professions libérales. Par conséquent l’enseignement gratuit est un cadeau fait aux plus riches Tous ces arguments ont été abondamment développés par tous les critiques de la « machine égalitaire ». Or, ces évidences sont des plus trompeuses. Nos principes de justice distributive sont loin d’avoir la clarté de ceux d’Aristote. Si les honneurs, les récompenses et les emplois publics obéissent au principe aristotélicienne de proportionnalité au mérité – sachant, comme cela a été dit plus haut, que généralement on ne s’entend guère sur ce qu’est le mérite – certaines prestations sont distribuées selon le principe d’égalité arithmétique (c’est le cas des allocations familiales en France ou de l’accès à l’enseignement public) et d’autres le sont sur le principe « à chacun selon ses besoins » (dans le domaine de la santé par exemple ou encore le régime des bourses).
L’équité recommanderait sans doute qu’on uniformise ces principes et que les aides aillent seulement à ceux qui en ont réellement besoin. Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, un tel principe détruirait plus radicalement encore toute idée égalitaire. Si l’accès à l’école était soumis à condition de ressources, suivant le principe, proposé par Alain Madelin et repris à droite et à gauche, du « chèque éducation » permettant de faire payer à chacun selon ses moyens, on s’engagerait inéluctablement dans la voie de la privatisation de tout le système d’enseignement, privatisation qui ne pourrait qu’exacerber les inégalités face à l’enseignement. En outre, les plus favorisés, ne participant plus en rien à la redistribution étatique de la richesse sociale, se sentiraient alors fondés à refuser toute idée d’un bien commun. La « révolte des élites » est le complément inévitable de ces politiques différentialistes en matière de justice sociale."