Et si au lieu de tailler dans les dépenses on augmentait les recettes ?
Par Marinette BACHE et Pierre KERDRAON - Journal RESO n° 245 - Mars 2025
Mis en ligne le 27 mars 2025

Depuis des mois on nous abreuve de propos alarmistes sur le déficit de la France. En cause, nous dit-on, les dépenses et notamment les dépenses sociales. Les retraités seraient trop riches par rapport à leurs homologues européens, la Sécurité sociale coûterait trop cher, les entreprises seraient écrasées par les taxes sur le travail, les chômeurs seraient trop indemnisés. A entendre les libéraux de tous poils, la France serait au bord de la faillite et il faudrait une grande purge sociale pour que tout revienne dans l’ordre. Pourtant, à y regarder de près, on s’aperçoit que l’augmentation des déficits de ces deux dernières années ne provient pas de dépenses excessives mais de recettes insuffisantes.

Ce que les économistes libéraux oublient de nous dire c’est que cette situation est la conséquence de la politique de l’offre qui s’est traduite par une baisse des charges des entreprises depuis 2017 (et même un peu plus tôt avec le CICE décidé sous Hollande sans aucune contrepartie). Or, moins de charges pour les entreprises, c’est moins de recettes pour l’État. En outre, les faillites des entreprises ont atteint un niveau record en 2023 et 2024. Résultat de la fin du « quoi qu’il en coûte » mais aussi du coût de l’énergie. Si les multinationales peuvent se délocaliser aux USA où l’énergie est bon marché, ce n’est pas le cas des petites et moyennes entreprises. Du coup, la TVA ne rapporte pas assez.

Pourtant, de l’argent il y en a. D’après une information de BFMTV (peu susceptible de complaisance vis-à-vis des salariés !) le patrimoine des « ultras-riches » a augmenté de 439% en France, 175% en Allemagne, de 170% aux États-Unis, de 168% au Royaume-Uni. Si le SMIC en France- avait augmenté aussi vite, il serait de 4805€ !

Cela n’a pas empêché le gouvernement de refuser une modeste contribution exceptionnelle de 0,5 % sur les ménages les plus riches. Ni le ministre de l’économie Éric Lombard de refuser de prolonger en 2026 la surtaxe d’impôts sur les sociétés décidée en 2025 pour les entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Cela, sous le prétexte de garder la fiscalité française « attractive », « dans un monde de concurrence ». Peanuts au moment où l’Amérique de Trump fait le forcing pour attirer les entreprises étrangères à s’implanter aux USA.

En outre, le meilleur moyen de réduire les déficits n’est-il pas d’investir massivement tant dans la défense que dans les infrastructures car cela rapporte immédiatement à l’Etat via la TVA ? Or, les entreprises préfèrent rémunérer grassement leurs actionnaires plutôt que d’investir. Investir plutôt que de faire fi de notre système social, de nos services publics, de la relance de nos industries, du soutien à l’emploi. C’est aussi le meilleur moyen d’agir pour le monde de demain, pour faire face aux grands défis écologiques et au réchauffement climatique.