Michelin : quand le Bibendum se dégonfle
Par Pierre-Yves MESCOFF - Journal RESO n° 241 - Novembre 2024
Mis en ligne le 22 novembre 2024

Il y a quelques jours la direction de Michelin a annoncé la fermeture d’ici début 2026 de deux sites de production de pneus pour camions et camionnettes à Vannes (Morbihan) et Cholet (Maine-et-Loire). En tout, 1254 salariés sont concernés, sans compter les emplois induits sur ces 2 sites. Ces fermetures décidées sans concertation ni avec les salariés (les organisations syndicales ont d’ailleurs cessé tout contact avec la direction faute d’être entendues) ni avec l’État suivent celles de quatre autres sites en 20 ans, après Poitiers, Toul, Joué-les-Tours et La Roche-sur-Yon. En cause, selon la direction, la concurrence asiatique et une perte de compétitivité au niveau européen. Est-ce vraiment les seuls motifs ? On remarquera que la fermeture de l’usine de Cholet s’accompagnera d’un transfert d’une partie de la production vers des usines en Italie, Espagne et Pologne.

Cette décision, que contestent avec raison les organisations syndicales, intervient alors que les bénéfices globaux du groupe n’ont jamais été aussi importants, de même que les dividendes versés aux actionnaires. Certes, la concurrence avec les entreprises asiatiques est bien réelle, comme en témoignent les difficultés d’autres entreprises de ventes automobiles en Europe. Toutefois, on peut s’étonner que Michelin n’ait pas fait appel à la protection de l’État alors que celui-ci lui a octroyé des fonds importants depuis des décennies.

Or, même si c’est l’Union européenne qui devrait prendre des mesures pour protéger son industrie, la France peut sans attendre agir elle-même en taxant davantage les produits importés depuis la Chine.

A l’entendre, la direction de Michelin affirme qu’aucun des salariés concernés ne sera laissé sur le carreau, prévoyant notamment des pré-retraites et des mobilités vers d’autres sites du groupe.

Mais comment croire qu’une pré-retraite imposée soit vraiment de nature à satisfaire les salariés qui en bénéficieraient ?

Quant à l’affectation vers d’autres sites du groupe, on peut se mettre à la place de ceux qui, licenciés à la Roche-sur-Yon ou ailleurs, ont accepté de venir à Vannes ou à Cholet avec les conséquences notamment familiales que cela implique.

Même si les primes allouées devaient être conséquentes, rien ne remplace le travail supprimé, parfois au bout de 15 ou 20 ans dans l’entreprise.

Par ailleurs, la fermeture d’une usine a des conséquences sur l’ensemble du site concerné, que ce soit au niveau des sous-traitants ou des commerces locaux. La direction de Michelin a beau affirmer qu’elle a participé à la création d’autres emplois sur les sites qui ont été fermés, comme à la Roche-sur-Yon (à vérifier) cela ne se fait pas en un jour. En clair, il est évident que la fermeture des sites constitue un mauvais coup tant pour les salariés que pour les territoires concernés.

Mais si la direction de Michelin est évidemment la première responsable des décisions qu’elle prend, on ne saurait oublier que ces fermetures, qui participent à la désindustrialisation de la France, sont aussi la conséquence d’une politique menée depuis plus de 20 ans par les différents gouvernements, parfois sciemment, parfois par manque de courage politique.