100 000 fonctionnaires territoriaux en trop, vraiment ?
Par Pierre-Yves MESCOFF - Journal RESO n° 240 - Octobre 2024
Mis en ligne le 20 octobre 2024

C’est du moins ce qu’affirme un rapport de la Cour des comptes. Pourtant, quand on ne se contente pas de faire un tableau Excel et qu’on regarde sur le terrain ce qui se passe réellement on n’a pas l’impression qu’il y a des hommes et des femmes qui se tournent les pouces toute la journée dans les collectivités territoriales.

Au contraire, on constate que partout, dans les mairies, les départements, les régions, les agents se débattent parfois avec les moyens du bord pour répondre aux tâches qui leur ont été confiées, tâches toujours plus lourdes parce que l’Etat s’est déchargé de certaines de ses fonctions sans transférer pour autant l’ensemble des personnels concernés. A cela, s’ajoutent les conséquences des dérèglements climatiques qui nécessitent une mobilisation d’ampleur des élus et personnels et coûtent énormément cher aux collectivités malgré les assurances et les subventions de l’Etat. Qui oserait remettre en cause le rôle de ces agents des collectivités qui parfois au péril de leur vie aident la population lors des crues ou des incendies ?

Dès lors, si ce n’est pas le manque de travail qui pourrait justifier la suppression des postes de fonctionnaires serait-il préférable de les remplacer par du personnel privé ? On a déjà l’exemple des cabinets de conseil auxquels font de plus en plus appel les collectivités locales dont on voit bien qu’ils coûtent infiniment plus chers que si le travail était confié aux fonctionnaires locaux.

Sans même parler de confier les tâches des fonctionnaires à des sociétés privées dont le seul souci est de faire toujours plus de bénéfices, les collectivités territoriales y gagneraient-elles vraiment en faisant appel à du personnel non fonctionnaire ? D’abord, elles seraient contraintes de dépenser davantage pour attirer les compétences car un fonctionnaire est moins payé qu’un salarié pour la même tâche. En outre, contrairement à une idée chère aux libéraux, ce n’est pas la garantie de l’emploi qui est le principal motif de ceux qui veulent rentrer dans la fonction publique mais le souci de servir l’Etat ou les collectivités.

Mais si vraiment la nécessité est de faire des économies, la question se pose de savoir s’il est vraiment pertinent d’empiler les collectivités. Il ne s’agit pas de remettre en cause communes, départements, régions comme le voudraient certains libéraux mais de s’interroger sur la pertinence des nouvelles structures que sont les métropoles dont la nécessité s’impose d’autant moins que leurs compétences chevauchent celles des autres collectivités. Sans compter qu’elles ont tendance à se développer au seul bénéfice de la ville centre au détriment des zones rurales souvent délaissées. De même, on ne peut pas dire que la création des supers régions soit une réussite alors qu’elles ont surtout contribué à éloigner les citoyens de leurs élus et à constituer des potentats locaux.

Peut-être serait-il aussi sain de supprimer les compétences partagées afin que chaque échelon territorial ait des compétences propres clairement définies.

En tout état de cause, force est de constater que ces problématiques ne sont pas du tout abordées dans le rapport de la Cour des comptes. Il est vrai que l’idéologie libérale dans laquelle baigne la Cour des comptes considère le fonctionnaire comme un mal absolu alors même que sa place est largement reconnue et appréciée par une majorité de nos concitoyens qui se plaignent à juste titre de la dégradation de nos services publics.