Au sommaire ce mois-ci :
p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Les bras m’en tombent : le salaire des enseignants / p.3 à 6 : Place au débat : Crise de régime / p.6 : Avez-vous remarqué ? : Déluge de plans sociaux / p.7 : International : États-Unis - Royaume-Uni - Australie - Iran / p.8 : Coup de gueule : Rapport 2024 sur les riches
L’édito de Pierre Kerdraon
Je commencerai cet édito par dire mon soulagement à la suite du second tour des élections législatives. Contrairement à ce que prévoyaient les sondages, le Rassemblement National n’a ni la majorité absolue ni la majorité relative. Cela est dû à la forte mobilisation des Français qui n’ont pas hésité pour certains à voter pour des candidats dont ils ne partageaient pas les orientations afin d’empêcher le parti de Le Pen et Bardella d’obtenir un siège. Satisfaction aussi de voir le Nouveau Front Populaire arriver en tête au soir de cette élection même s’il ne s’agit que d’une majorité relative. Le Président a subi deux défaites majeures en à peine un mois. A défaut de se démettre, il doit se soumettre à la volonté du peuple. Sa tardive lettre aux Français n’indique cependant pas qu’il en prend le chemin. Plein d’arrogance à son habitude, il feint d’ignorer la défaite de son camp. Il est vrai que la tentation est grande chez certains macronistes et LR de faire une alliance de la droite pour empêcher la gauche d’arriver au pouvoir. Philippe, Darmanin, Le Maire ou encore Gérard Larcher, le Président du Sénat, n’ont rien perdu de leur morgue. Une coalition Ensemble/LR n’a pour autant pas plus de chance de voir le jour que sous la précédente législature, ne serait qu’en raison des ambitions présidentielles de Wauquiez. Mais tout ce qui équivaudrait à reconduire d’une manière ou d’une autre l’ancienne majorité macroniste serait vécu comme une trahison tant par les électeurs de gauche que par les électeurs qui ont choisi le vote RN. Ce serait ouvrir un boulevard à Le Pen lors de la prochaine élection. En outre, loin de l’apaisement que souhaite le peuple, ce serait la voie ouverte à une forte explosion sociale. Pour l’éviter, le Nouveau Front Populaire doit rapidement proposer un premier ministre et un nouveau gouvernement au Président. Ne nous le cachons pas : ce n’est pas une promenade de santé qui attend les députés du NFP. Si comme le veut la tradition républicaine, le président Macron nomme un premier ou une première ministre issue du groupe arrivé en tête, le NFP aura une obligation de résultat. Les Français attendent une autre politique fondée sur la justice sociale, le pouvoir d’achat, l’égalité, la sécurité, la laïcité, les services publics. Bien sûr, ils attendent d’abord l’abrogation de la réforme des retraites. Alors que la construction de nouveaux logements n’a jamais été aussi faible, il faut une autre politique du logement. Sans majorité absolue des compromis seront nécessaires. Mais contrairement à ce qu’on nous serine depuis dimanche, un gouvernement de gauche ne serait pas plus exposé à une motion de censure qu’un gouvernement Ensemble/LR. Compromis ne veut pas dire compromission. (.../...)
Le peuple n’en voudra pas à la gauche d’échouer si elle essaie. Il ne lui pardonnera pas si elle préfère le confort des palais dorés à une lutte de tous les instants pour imposer les réformes nécessaires. Lutte qu’elle devrait savoir mener avec les organisations syndicales et l’ensemble des corps intermédiaires qui ont trop longtemps été négligés. Impossible pourtant à cette heure de dire si un nouveau gouvernement sera nommé dans les jours qui viennent ou s’il faudra attendre la rentrée de septembre pour en voir la couleur. En tout état de cause, la situation actuelle montre à quel point à défaut d’une sixième république, des réformes constitutionnelles importantes devront voir le jour pour empêcher qu’un seul homme ou une seule femme puisse jouer avec la démocratie comme le fait Macron. Mais cela fait partie des réformes qui ne pourront voir le jour qu’au lendemain de la prochaine élection présidentielle.
D’ici là c’est toute l’économie qu’il va falloir repenser. Le choix de la « politique de l’offre » qui consiste à favoriser les entreprises pour leur permettre de diminuer leurs coûts y compris en matière de salaires a abouti à faire baisser de manière importante la part des revenus dans le produit intérieur brut. Depuis Hollande les fonctionnaires ont perdu plus de 10 % de pouvoir d’achat. Cette politique est un échec. Cela ne sert à rien de baisser le coût des produits si les acheteurs potentiels n’ont pas les ressources suffisantes pour les acquérir. Faute de moyens suffisants les Français restreignent leurs dépenses. Jamais le seuil de pauvreté n’a touché autant de personnes. En outre, les rémunérations insuffisantes ont pour conséquence de freiner les recrutements dans la fonction publique, que ce soit dans l’éducation, la santé, la police ou la justice pour ne citer qu’elles. C’est à cette grave crise économique et sociale qu’il faut répondre. Macron y a ajouté une crise politique avec la dissolution. Ce n’est pas par des oukases qu’il la résoudra mais en faisant appel à la seule force capable d’apporter des réponses concrètes : le NFP.