Vers un retour au statut de Vichy ?
Par Michel LABATHIE - Journal RESO n° 236 - Mai 2024
Mis en ligne le 20 mai 2024

Dans le privé, désormais, on a peu de promotion interne, on peut rester au smic toute sa vie, on ne bénéficie d’aucune sécurité réelle de l’emploi, on doit changer de société voire de profession plusieurs fois dans sa vie et connaître le chômage. Le fonctionnaire lui bénéficierait, quoi qu’il fasse, d’une évolution tout au cours de sa carrière, à un emploi garanti à vie, et pourrait passer des concours de promotion interne, tout cela quel que soit son mérite.

Fadaise ! Le statut du fonctionnaire a été créé à la Libération par Maurice Thorez et renforcé et unifié en 1983 par Anicet le Pors.

Contrairement à Vichy, un fonctionnaire est considéré comme une « baïonnette intelligente » : il a le devoir de s’opposer aux actes illégaux, à ceux ne respectant pas la hiérarchie des normes (exemple : un ordre de sa hiérarchie non assise juridiquement), les principes républicains, les droits de l’homme. Cela était appris avant les années 2000 dans toutes les formations d’entrée dans la fonction publique.

Pourquoi un emploi garanti à vie ? Car c’est la garantie pour les usagers d’avoir une personne neutre vis-à-vis des pressions politiques et économiques, une personne pouvant s’opposer à des directives illégales. La garantie qu’il serve l’Etat républicain pas un gouvernement.

Les fonctionnaires ne peuvent pas être virés ? Foutaise ! Parce qu’ils servent l’Etat républicain, le représente, ils sont radiés dès que leur comportement personnel est contraire à la probité et aux bonnes mœurs. Par exemple pour ébriété en dehors de leurs heures de service sur voie publique. Ils sont radiés pour faute ou corruption (par exemple accepter à son compte personnel un cadeau d’un usager même minime). Les motifs de radiations sont bien plus larges que dans le privé. Les recours relèvent de la justice administrative non des prud’hommes.

Pourquoi un avancement à l’ancienneté et non au mérite ? Pour respecter plus la République que les ordres reçus. Sa promotion et son recrutement ne peuvent dépendre de sa hiérarchie ou d’un ministère ! Comment sinon mettre ses missions au-dessus des indicateurs de rentabilité que les gouvernements successifs tentent d’imposer ? Il faut donc qu’il soit titulaire de son grade (A, B ou C). Et c’est quoi le mérite ? Appliquer les ordres sans discuter, répondre aux statistiques plus qu’à la qualité du service public rendu ? Qui sera promu ?

Pourquoi Guérini ment sur les licenciements ? Car son objectif et celui de ce gouvernement (et des précédents) est un retour à des fonctionnaires dociles. Comme lors du premier statut créé sous Vichy. Tout va en ce sens : la notation a introduit un frein ou une accélération des carrières (avec des garde-fous selon la force des syndicats), l’ouverture récente de l’ensemble des postes à des contractuels, la codification qui rattache des droits et obligations à son poste, non à ses missions, la suppression des catégories annoncées, la remise en cause des garanties statutaires… avec en parallèle la promotion d’un « devoir de réserve », inventé car non statutaire. Il est trop dur de s’attaquer de front au statut, alors ils le contournent.

La vérité c’est qu’aujourd’hui nos services publics ne tiennent que par la volonté de leurs personnels contre la volonté du gouvernement.