Journal RESO n° 233
Février 2024
Mis en ligne le 8 février 2024

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : International / p.3 à 6 : Place au débat : un prof d’économie de gauche qui perd le nord / p.7 : Actualités sociales / p. 8 : Coup de gueule : colère des agriculteurs : et si on cessait les faux-semblants ? »

L’édito de Pierre Kerdraon

Les rumeurs se sont révélées fondées : c’est donc bien Gabriel Attal qui a été nommé Premier ministre. Malgré le « en même temps » de 2017, malgré le fait qu’Attal a été membre pendant 10 ans du Parti socialiste, son discours de politique générale du 30 janvier a révélé la réalité : il s’agit d’un homme de droite, très marqué par l’ultralibéralisme cher à Macron. Ses premières annonces ne laissent aucun doute à ce sujet, comme sa volonté de remplacer l’allocation spécifique de solidarité, créée il y a quarante ans, par le régime de solidarité active (RSA), alors même que ses bénéficiaires – chômeurs n’ayant plus de droits -ont pour beaucoup plus de 50 ans et n’ont que peu de chance de retrouver un emploi. Nul doute que si cette mesure est mise en place, cela va encore accroître le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté, qui a explosé depuis l’arrivée de Macron au pouvoir. Sans compter que ce sera encore un transfert de charges de l’Etat vers les départements. Autre mesure annoncée, celle de remplacer une partie du parc de logements sociaux par des logements de type intermédiaire, ce qui aura pour effet de rendre encore plus difficile l’accès des personnes en situation de précarité à des logements sociaux, voire très sociaux. A cela s’ajoutent les décisions sur l’augmentation de la fiscalité sur l’énergie ou l’augmentation du reste à charge pour les patients. Et Bruno Lemaire, ministre de l’économie, annonce des mesures encore pires en 2025 avec l’objectif d’une réduction importante du déficit public qui se traduira forcément par moins de moyens pour l’action publique. Ceci sans compter les mesures visant à tenter d’apaiser la grogne sociale en cette année d’élections européennes.

A peine arrivé au poste de Premier ministre, Gabriel Attal est amené à faire face à une fronde du monde agricole, confronté à la fois pour une partie des agriculteurs à des difficultés liées aux revenus qui baissent en particulier du fait des accords de libre-échange mais aussi à sa survie dans les années qui viennent, notamment du fait du changement climatique. En 30 ans, le nombre d’agriculteurs a été divisé par deux et la moitié des agriculteurs d’aujourd’hui prendra sa retraite dans les années qui viennent. Même si certains syndicats ont appelé les tracteurs à rentrer dans leurs fermes, il ne faudrait pas croire que la crise est terminée. Le mouvement de solidarité qui s’est exprimé à travers le pays a dopé les agriculteurs qui ne se satisferont pas de promesses et de mesurettes. Et ce d’autant que le salon de l’agriculture a lieu dans quelques jours et que les élections européennes auront lieu au mois de juin.

Autre point en exergue en ce début d’année : l’éducation. Il ne fait pas de doute que la nomination d’Amélie Oudéa-Castéra à l’éducation constitue pour une bonne part de ce ministère, y compris pour des responsables administratifs comme le recteur de Paris, une forme de provocation. (...)

Dénigrement de l’école publique au profit de l’école privée catholique, mise en cause de la politique du recteur de Paris pour plus de mixité sociale, Amélie Oudéa-Castéra s’illustre par une attitude délibérément rétrograde. Ce qui se joue dans les mois et années qui viennent est de savoir si on veut une école républicaine au profit de tous comme l’a mise en place il y a un siècle Jules Ferry ou si, au contraire, on veut une école pour les plus riches et une autre pour les autres, à l’image de ce qui se passe aux Etats-Unis.

Au moment où j’écris ces lignes, on apprend une nouvelle attaque d’un déséquilibré contre des voyageurs gare de Lyon à Paris. Cela m’amène à rappeler le dur travail de la coordination pour une meilleure prise en compte de la psychiatrie alors que la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques est de plus en plus compliquée avec une diminution depuis 20 ans du nombre des hôpitaux psychiatriques et d’un manque criant de médecins et de personnels hospitaliers comme pour l’ensemble de l’hôpital public.

Au final, on voit bien que c’est l’ensemble de la société qui est prêt à exploser. On l’a vu avec la réforme des retraites, il y a une forte défiance dans ce pays vis-à-vis de Macron. Ce n’est pas la nomination d’un jeune Premier ministre qui changera les choses si la politique menée reste aussi inégalitaire et aussi peu faite en faveur du plus grand nombre.

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