Journal RESO n° 231
Décembre 2023
Mis en ligne le 10 décembre 2023

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : International : Argentine, victoire du candidat ultra-libéral / p.3 à 6 : Place au débat : Les services publics en Europe (1ère partie) / p.7 : Actualité sociale : Comment les syndicats américains ont fait plier Ford... et pourraient inspirer les ouvriers français / p. 8 : Coup de gueule : Réduire la durée d’indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans – Les bras m’en tombent : Le livret A au service des entreprises de défense

L’édito de Marinette Bache

Nous arrivons au terme d’une année qui aura été bien difficile pour les salariés et tous ceux qui vivent de leur travail.

Comment ne pas commencer par rappeler les grandes mobilisations contre le saccage de nos retraites ? La « réforme » Macron sert d’abord le profit immédiat du patronat qui depuis longtemps veut la suppression de cette part de nos salaires qui, depuis l’après-guerre, finance notre protection sociale ; cette « réforme » sert ensuite le profit futur des sociétés financières qui proposeront, à ceux qui seront en mesure de se les offrir ou qui s’y contraindront pour ne pas risquer de tomber dans la misère, des produits assurantiels remplaçant la Sécu. Le peuple français ne s’y est pas trompé ; il s’est levé en masse contre cette infâmie. Il y a bien longtemps que la France ne s’était pas couverte, de Paris aux sous-préfectures, d’immenses cortèges chaque semaine renouvelés.

L’occasion de remettre quelques chiffres en mémoire : les 500 plus grosses fortunes françaises ont vu leur richesse augmenter de 30% en un an, soit 1000 milliards ; les 40 plus grosses sociétés du CAC 40 ont distribué un record de 80 milliards de dividendes à leurs actionnaires l’année précédente ; les revenus financiers représentent 385 milliards annuels qui ne cotisent pas pour les caisses de retraite. Faire cotiser les revenus financiers au même taux que les salaires (11%), rapporterait 40 milliards ! Faire contribuer 2% des 1000 milliards des plus grosses fortunes rapporterait 20 milliards. Cela n’a, évidemment, pas été le choix des libéraux qui nous gouvernent. Pour combler un prétendu « trou » des caisses de retraites qui n’existe pas (cf nos numéros de début d’année), ils ont préféré reculer l’âge de la retraite à 64 ans.

La suite, nous la voyons aujourd’hui où des ministres envisagent froidement de diminuer la durée d’indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans : ils n’ont honte de rien !

La Sécurité Sociale, c’est l’épouvantail des libéraux. Un seul objectif : détruire ce système de protection sociale à la française, mis en place à la Libération sous l’impulsion d’Ambroise Croizat. La Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics -dont Réso est membre- nous le rappelle : Après la réforme des retraites, le gouvernement utilise son 20ème article 49-3 pour imposer son budget d’austérité pour la Sécu , il impose des économies sur l’ensemble de la protection sociale : attaques des complémentaires Agirc-Arrco, casse du RSA, casse de l’assurance chômage, quasi suppression de l’Aide Médicale d’État (AME), réduction drastique de l’Aide Personnalisée au Logement (APL)… Lors du congrès de la CFTC, Dussopt n’a pas hésité a annoncé le plan d’ensemble de remise en cause du système social français au prétexte habituel de la compétitivité des entreprises, de la volonté de libérer le patronat de lourdes cotisations qu’il s’obstine à nommer « patronales » alors qu’elles sont partie de notre salaire. Il s’agit en fait de remplacer notre système de solidarité républicain par un filet de charité à l’américaine. Nous reviendrons en janvier sur l’ensemble de ce dangereux projet.

La situation de nos compatriotes est de plus en plus intenable. D’un côté, le CAC 40 affiche des profits record. Et c’est le FMI qui affirme que depuis 2022 la hausse des profits est responsable de 45 % de l’inflation ! Résultat ? c’est l’hécatombe pour les petites et moyennes entreprises, étranglées par la hausse des prix de l’électricité, par le resserrement du crédit et les stratégies des grands groupes et l’emploi en prend un coup, alors que nous avons déjà 6 millions de chômeurs ! Des millions de Français et de Françaises sont cruellement touchés par l’inflation, en particulier les jeunes et les femmes dont le statut est davantage précaire (de plus, ce sont des femmes qui gèrent 80% des familles monoparentales). Ainsi, l’ONG Oxfam estime entre 5 et 11 millions de personnes pauvres en France, 17 % de la population sous le seuil de pauvreté, la moitié des pauvres vivent avec 885 d’euros mensuels ou moins. A la pauvreté pécuniaire, s’ajoutent la précarité énergétique (voir la facture d’électricité, beaucoup ne peuvent plus se chauffer), la précarité alimentaire (de nombreux Français ne peuvent plus se nourrir correctement alors que les bénéfices de la grande distribution se sont envolés de +25%) ou encore la précarité numérique (alors que la numérisation se généralise, y compris dans les administrations, nombreux sont ceux qui ne peuvent payer un accès à internet ; rappelons que tous les fournisseurs sont privés). En France 21 % de la population soit plus d’une personne sur cinq est concernée. (.../...)

Récemment, l’hebdomadaire Marianne s’interrogeait : « Comment sommes-nous passés, au sortir de la guerre, d’une politique ambitieuse du logement qui visait à mettre un toit sur tous les Français à une crise majeure du secteur et 4 millions de mal-logés ? ». Au lendemain de la 2nde guerre mondiale, la reconstruction de logements a été moteur de la très forte croissance et a permis, relativement rapidement, d’offrir un toit à tous les Français. Cela a continué sous la Ve République jusqu’aux années du libéralisme financier triomphant : non seulement tous les Français ont trouvé à se loger (y compris dans d’inesthétiques barres HLM) mais le million de rapatriés de la guerre d’indépendance de l’Algérie a été logé. Le ministère du logement était un ministère important et efficace.

Aujourd’hui, dogme libéral oblige, la loi et l’Etat ne contrôlent plus grand-chose : la flambée de l’immobilier dans les grandes villes rend totalement inaccessible l’accès à la propriété des plus modestes et des classes moyennes : les employés et les ouvriers, voient, en 2020, leur proportion parmi les acquéreurs reculer de plus de 6%. Dans le même temps, en ruralité, les prix des maisons baissent ou stagnent, ne trouvant plus d’acheteurs solvables (le crédit est inaccessible) et les travaux de mise aux normes exigés sont insupportables pour les vendeurs. Parallèlement, le Livret A qui finançait la construction de logement social a été déprécié… et aujourd’hui il serait, en partie, voué à aider les industries d’armement ! Dans le privé, les locataires consacrent en moyenne 29 % de leur budget à leur loyer. Quant à l’APL, elle subit les coupes budgétaires infligées à toutes les aides sociales.

On va en terminer avec les leçons d’écologie qu’on nous inflige régulièrement. Plus d’accès aux villes pour les propriétaires de vieilles voitures : salauds de pauvres ! Destruction des lignes secondaires de chemin de fer… remplacées (quand elles le sont) par des cars… polluants et facteurs d’embouteillage. Fin des tickets de caisse (alors que le papier se recycle très bien, mais pas le plastique, il n’est pas rare de voir dans les hypermarchés des fruits emballés à l’unité…). Et pour terminer la comédie de la COP28 ! Combien de temps, les Français vont-ils supporter cette farce qui ne protège en rien « la planète » mais qui leur rend la vie plus difficile.

Protection sociale, pouvoir d’achat, logement, théâtralisation de l’écologie, nous tenons là beaucoup d’éléments d’une grosse révolte sociale !

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