Enseignement privé subventionné = facteur de discrimination
Par Eddy KHALDI - Journal RESO n° 229 - Octobre 2023
Mis en ligne le 15 octobre 2023

Le ministère néglige chaque année ses propres données statistiques dont celles de l’édition de 2022 : « les établissements privés sous contrat scolarisent davantage d’élèves appartenant aux catégories sociales très favorisées (41,4% d’enfants contre 21,3 % dans le public) et beaucoup moins d’enfants appartenant aux catégories sociales défavorisées (16,3% contre 39,0% dans le secteur public) ».

La question du dualisme scolaire subventionné, ce n’est pas une querelle d’hier. Elle se déroule, aujourd’hui, sous nos yeux. La structuration concurrentielle public-privé du système éducatif financé par la collectivité publique, développe une compétition marchande entre établissements. Elle amplifie les discriminations entre élèves et accroit les inégalités sociales que le précédent ministre se promettait, prioritairement, de résoudre. Ségrégation largement connue et confirmée par une récente obligation de publication, par la justice, des « Indices de position sociale » -IPS- pour chaque établissement public et privé, quantifiés en catimini depuis 2016.

L’habit de la religion dissimule mal l’école ségréguée comme l’attestait déjà un rapport sénatorial de juin 2012 : « … Il paraît fort probable que le profil social des établissements privés continuera à s’éloigner de celui des établissements publics par surreprésentation des catégories supérieures… » Pourtant, un protocole d’accord relatif à la mixité sociale et scolaire est signé le 17 mai 2023 entre l’État, représenté par le ministre de l’Éducation nationale et « l’enseignement catholique », structure ecclésiale dépourvue de légitimité au regard de la loi. Faut-il rappeler que les établissements privés sont des entités juridiques indépendantes ? L’Église catholique est la principale bénéficiaire d’un tel privilège juridique contraire aux principes fondamentaux de la République lui permettant de conforter sa visibilité sociale avec un monopole de représentation des établissements privés de toutes natures. Reconnaissance politique qui contrevient aussi à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Triste sort que celui de la laïcité dans notre pays, évoquée sur un mode incantatoire, et ne cesse d’être bafouée.

Le concept de « parité », revendication politique clérico-libérale incarne une impasse juridique constitutionnelle : « l’enseignement privé au sein de notre République repose sur le principe fondamental de liberté de choix de l’enseignement. Il en découle une indépendance des établissements privés qui serait remise en cause par l’ingérence de l’État dans leur fonctionnement. » Protocole léonin qui concède des droits au nom de la « parité » sans obligation afférente au nom de « sa liberté ».

Paradoxe de notre laïcité constitutionnelle, la France finance, aujourd’hui, systématiquement la concurrence de son propre service public d’éducation au profit presque exclusif du réseau de l’enseignement catholique. Elle se trouve ainsi en contradiction avec le Conseil de l’Europe qui préconise : « à École publique fonds publics et école privée fonds privés ». L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a, en effet, adopté à la quasi-unanimité une résolution sur « le droit à la liberté de choix dans le domaine éducatif en Europe ». Cette disposition demande aux États de reconnaître clairement par la loi : « le droit d’ouvrir et de gérer des établissements d’enseignement privés… », en signalant que leurs financements doivent intervenir « si l’offre d’enseignement dans les établissements publics n’est pas suffisante ». Cette offre d’enseignement public est constitutionalisée par l’obligation de l’organiser.

Ne s’agit-il pas ici de trahir la loi de Séparation de 1905 ? Que deviennent nos principes constitutionnels ? « La République joue contre son camp », comme nous l’annonçons dans le communiqué de notre recours contre ce protocole arbitraire, nouveau concordat scolaire, pour outrepasser la loi Debré, après les accords » Lang-Cloupet de 1992. Ce dispositif institutionnel dénature le service public et ses principes oubliés dont celui d’égalité en éducation, entre les citoyens et non les communautés, voulu par les bâtisseurs de l’École publique.