A propos de l’embrasement des cités un post de Naëm Bestandji
Un post de Naëm BESTANDJI publié dans le journal RESO n° 227 (juillet/août 2023)
Mis en ligne le 7 juillet 2023

J’ai toujours vécu dans les "cités". J’y ai aussi longtemps travaillé dans le milieu associatif et en tant qu’animateur socio-culturel. Ce qui se passe aujourd’hui était prévisible. On peut l’expliquer pour en comprendre les causes. Mais rien ne peut excuser, et encore moins justifier, la violence. Chaque émeutier, même mineur, doit être fermement condamné par la justice. Tout autant que certains parents.

En 2020, j’avais été auditionné par la Commission d’enquête sénatoriale sur la radicalisation islamiste. À propos des quartiers, j’avais préconisé ceci : "Parmi les causes profondes des quartiers populaires, dont la délinquance et le communautarisme sont les symptômes, il y a la ghettoïsation géographique, urbaine, ethnique et culturelle. Il y a la crise économique qui touche frontalement les quartiers populaires. Si nous voulons lutter contre le communautarisme, il ne faut pas avoir comme horizon un calendrier calé sur les échéances électorales. Les solutions sont multiples et complexes. Cela demande une véritable ambition politique et une vision sur le long terme. Il faut un vaste programme ambitieux, étalé sur au moins une génération. Pour cela, il faut envisager des projets à court, moyen et long terme.

Les habitants des quartiers populaires sont délaissés. Il faut reprendre en main ces quartiers, pas seulement sur le plan sécuritaire. Il faut une vraie coordination des actions.

Il faut créer un ministère de la politique de la ville avec à sa tête un ou une ministre d’État. Les multiples "plans banlieues" ne suffisent pas. S’attaquer à l’écume en ravalant des façades n’a jamais permis de toucher les lames de fond. Ce ministère d’État devra agir sur toutes les échelles de temps (court, moyen et long) et dans tous les domaines en lien avec tous les autres ministères concernés. Il faut aussi redonner des moyens financiers aux associations laïques qui travaillent sur ces territoires car une partie de la place a été abandonnée aux islamistes et aux associations communautaires. Il faut financièrement aider les communes à recruter des éducateurs et animateurs de terrain qui créent du lien avec les jeunes de quartier. Le nombre de ces professionnels a baissé, laissant la place à l’influence des religieux qui remplacent la baisse des professionnels laïcs.

L’augmentation nécessaire du nombre de policiers pour lutter contre la délinquance, autre fléau des quartiers populaires, doit s’accompagner d’un volet humain : créer du lien avec les jeunes car, depuis la suppression de la police de proximité par Nicolas Sarkozy, le lien (qui était déjà difficile avant) est rompu. Cette hausse du nombre de policiers doit aussi s’accompagner d’une hausse du nombre de professionnels du social. La répression ne peut pas être efficace sans la prévention. La police ne peut pas tout. On ne peut pas lui demander de régler des problèmes sociétaux larvés depuis plus de 40 ans. Mais il faut aussi que les communes soient plus vigilantes et plus fermes face à leurs animateurs qui profitent de leur poste pour embrigader et communautariser religieusement les jeunes. Les "salam oua’likoum" et autres formules religieuses (en plus dans une langue étrangère) n’ont pas leur place dans la bouche de professionnels du social, dont les éducateurs sportifs, dont beaucoup sont, en plus, fonctionnaires.

Il faut également casser les ghettos urbains. Cette ghettoïsation n’est pas seulement géographique. Elle est aussi ethnique et culturelle. Il y a donc une déconnexion entre une partie de la population qui vit dans ces quartiers populaires et le reste du pays. Les islamistes d’un côté, et les trafiquants de l’autre, s’en servent allègrement.

Casser ces ghettos ne passe pas seulement par le bâti. Cela passe aussi par le désenclavement territorial des quartiers populaires, une meilleure gestion des milliards injectés dans la politique de la ville, la lutte contre le racisme, etc. Il faut créer une vraie mixité sociale. Le jour où des habitants du XVIe arrondissement de Paris voudront vivre à la Courneuve, alors nous pourrons dire que cette mixité existe.

C’est pour cela qu’il faudrait des États généraux des quartiers populaires, en réunissant, en lien avec les acteurs de terrain, le ministère de l’Intérieur, de l’Éducation Nationale, de l’emploi, des Affaires Sociales, la Jeunesse et les Sports etc., sous l’égide d’un ministère de la politique de la ville au pouvoir étendu. Il faut qu’ils travaillent tous ensemble pour une action globale pendant au moins 30 ans.

Tout cela compte parmi les moyens pour faire aimer la France. Car le problème est aussi là : la République n’a pas toujours été à la hauteur, Marianne n’a pas su reconnaitre tous ses enfants. La Patrie ne fait pas rêver une bonne partie des citoyens issus de l’immigration des Trente glorieuses. Les causes sont à trouver dans ce que j’ai énoncé mais aussi ailleurs. Ce désamour pousse ces citoyens dans les bras de ceux qui leur proposent un monde plus prospère : les trafiquants. Et d’autres dont les bras sont plus accueillants, une communauté où ils se sentiraient acceptés : l’islam(isme)."