Journal RESO n° 222
Février 2023
Mis en ligne le 18 février 2023

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Avez-vous remarqué ? la mobilisation des jeunes et de nouveaux manifestants / p.3 à 6 : Place au débat : La refondation de la santé / p. 6 : International : Grande-Bretagne et Portugal / p. 7 : Actualité sociale : Convergence pour nos retraites, nos services public et notre Sécurité sociale / p.8 : Coup de gueule : Éducation nationale : quand on atteint le fond, la Cour des Comptes suggère de creuser encore un peu

L’édito de Marinette Bache

- Chaque année les entreprises reçoivent 157 milliards d’aides publiques ; elles en reversent 80 à leurs actionnaires.
- Vinci affiche en 2022 un bénéfice net de 4,26 milliards d’euros soit une hausse de 64%. La moitié provient de sa branche autoroutière ; Vinci va augmenter ses tarifs d’autoroute de 4,74%.
- TotalEnergies fait 20 milliards de bénéfices et paie 0€ d’impôt sur les sociétés. Bruno Le Maire est au courant… mais ne lève pas le petit doigt.
- BNP Paribas annonce un bénéfice net record de 10,2 milliards d’€ en 2022. BNP Paribas prévoit la suppression de 921 emplois en France.
- LVMH (Vuitton, quoi) a réduit ses impôts de 518,1 millions d’€ en 10 ans (de 2007 à 2017) au titre de sommes versées à la Fondation… Louis Vuitton selon la Cour des Comptes, soit 8,1% de la dépense fiscale de l’Etat au titre du mécénat des entreprises. La principale activité de cette Fondation a été la construction d’un bâtiment dans le bois de Boulogne…
- Les 500 plus grosses fortunes françaises ont vu leur richesse augmenter de 30% en un an, soit 1 000 milliards ; les 40 plus grosses sociétés de la Bourse de Paris (le CAC 40) ont distribué 80 milliards de dividendes à leurs actionnaires en 2022, un record ; les revenus financiers (actions, intérêts financiers...) représentent 385 milliards par an mais ne cotisent pas pour les caisses de retraites.

Voici donc un petit inventaire, parcellaire, du bilan de ce gouvernement ultra-libéral mené par Macron et Borne.

Ce même gouvernement qui a décidé contre 75% du peuple français, de casser définitivement le système de retraite mis en place à la Libération, dans la foulée et dans l’esprit du programme du Conseil National de la Résistance. Ce gouvernement est, de loin, le plus à droite des gouvernements de la 5ème République ; il ajoute à sa politique au service des ultra-riches un profond mépris du peuple. C’est pourquoi notre victoire pour nos retraites doit être totale, c’est pourquoi l’unité des organisations syndicales et, derrière elles, des salariés, de tous ceux qui vivent de leur travail, du peuple français est tellement importante.

Avec les manifestations des 31 janvier, 7, 11 et 16 février -et les 2,8 millions de manifestants pour la seule journée du 7 février-, nous avons tellement fortement marqué l’opinion que même la presse aux ordres n’a pas osé nier le succès phénoménal de ces mobilisations. Saluons la volonté d’unité des OS entre la CGT qui veut allier mobilisation et grèves, voire blocages et la CFDT, qui souhaite laisser la possibilité aux salariés de manifester le samedi sans perdre de journée de travail ; et même si on sait que, de tout temps, le patronat n’a jamais cédé qu’à la force, laissons les travailleurs gérer cette montée en puissance à leur rythme et dans l’union. Le 7 mars sera, avec le retour d’étudiants très motivés (de nombreuses universités étaient entrées en lutte avant les congés de février), va venir le temps de passer la surmultipliée.

Borne affirme -on la croit- qu’elle n’a « aucun état d’âme » et que -on fait le nécessaire pour lui donner tort- « la réforme se fera » mais le gouvernement qui vient de voir l’article 2 retoqué, en est réduit à un marchandage de bas étage avec la partie la plus libérale de LR (les amis de Ciotti). Une partie des députés macronistes est mal à l’aise avec cette réforme qu’ils qualifient de « paramétrique, bête et méchante » et ils savent que si, dans 3 ans, Macron retournera au chaud, à la banque Rothschild, eux devront se représenter devant les électeurs…

Jamais un gouvernement n’aura autant raté sa communication sur un projet de loi. On pourrait presque en rire, mais il faut se rappeler que le 1er axe de cette communication était : « c’est une réforme juste » ! Aujourd’hui cela a évolué en « nous ne sommes pas assez pédagogiques, nous ne nous sommes pas assez expliqués ». Résultat : les Français sont exaspérés. Ils refusent cette réforme qu’ils savent profondément anti-sociale ; et ils n’apprécient pas de se faire traiter d’imbéciles qui ne comprennent rien par ces pédants arrivistes. (...)

Tout a déjà été dit sur les intentions de ce projet réactionnaire : report de l’âge de la retraite à 64 ans (quand seulement 56% des 55-64 ans ont un emploi !) avec 43 ans de cotisations pour une pension complète, suppression des régimes « pionniers », baisse généralisée des pensions… Exigeons le retour à 60 ans avec 37,5 annuités pour une pension complète ; c’est possible contrairement à ce qu’on nous serine ; le COR, pas spécialement de gauche, nie lui-même un déficit non maitrisé, argument financier régulièrement évoqué ; selon le président du COR : « les dépenses de retraites ne dérapent pas », elles « sont globalement stabilisées et même à très long terme ». Pour le président du COR, ces dépenses ne sont en fait « pas compatibles avec les objectifs de finance publique du gouvernement ». Laissons aux travailleurs affiliés aux régimes qualifiés de « spéciaux » leur choix de payer plus de cotisations et d’accepter plus de contraintes (comme de ne pas choisir son médecin à la SNCF) pour avoir en retour une meilleure prise en charge (c’est cela qui gêne les comptables qui nous gouvernent). Maintenons un niveau décent de pension, la retraite n’est pas une aumône mais un droit acquis par une vie de labeur.

C’est d’un choix de société dont il est question. Cette réforme n’est évidemment pas sociale ; personne n’a jamais cru, même pas, bien sûr, ses promoteurs, qu’elle était juste. Mais elle n’est pas économique ; outre les rapports du COR (Comité d’Orientation des retraites), il suffit de regarder les chiffres : entre la taxation des grandes fortunes ou l’imposition des bénéfices financiers au même niveau que les salariés, il ne serait pas difficile de trouver de quoi financer les différents régimes. Faire simplement cotiser les revenus financiers à 11% (comme les salariés), rapporterait 40 milliards ! Faire contribuer 2% des 1000 milliards des plus grosses fortunes rapporterait 20 milliards.

Cette réforme est profondément politique. On veut nous faire changer de société. C’est la république sociale et laïque inscrite dans le préambule de la Constitution qui est remise en cause. Elle vaut bien notre mobilisation collective et unitaire.

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