La santé de tous mérite mieux qu’une grève corporatiste
Par Pierre KERDRAON - Journal RESO n° 221 - Janvier 2023
Mis en ligne le 14 janvier 2023

Ainsi donc une partie des médecins a décidé de se mettre en grève en choisissant la période des fêtes et du début de la nouvelle année pourtant marquée par une triple épidémie de Covid, de grippe et de bronchiolite, obligeant les services d’urgence déjà saturés à répondre à une demande de patents encore plus grande.

Les motifs de cette grève ? Les médecins grévistes ne gagneraient pas assez bien leur vie et réclament une augmentation de 100 % (de 25 à 50 €) du tarif de consultation ; ils protestent contre l’introduction d’une quatrième année d’internat qui les obligerait à pratiquer dans un « désert médical » ; ils contestent la surcharge administrative à laquelle ils seraient contraints.

On me permettra de rappeler que selon une étude récente le revenu moyen des médecins serait de 91 000 € par an. Même si cela recouvre de fortes disparités selon leur spécialité et l’endroit où ils exercent on ne peut pas dire qu’ils soient à plaindre.

Augmenter le tarif de consultation de 25 à 50 € aurait sans aucun doute pour effet d’éloigner encore un peu plus de patients des soins pourtant nécessaires.

Quant à la liberté d’installation revendiquée comment la justifier alors qu’il y a tant d’endroits et pas seulement en zone rurale où on manque de médecins ? Et ce d’autant plus que beaucoup de médecins refusent de prendre de nouveaux patients. Ce refus pose d’ailleurs un sérieux problème. A titre d’exemple malgré un nombre important de dentistes dans la région de Lorient (Morbihan) impossible d’obtenir un rendez-vous avant trois mois. Si vous avez mal on vous suggère d’appeler le « 115 » !

Chacun sait que la France, pourtant un des grands pays industrialisés, manque de médecins et doit solliciter l’aide de médecins étrangers.

La faute au « numérus clausus » qui limite le nombre de médecins pouvant être admis en deuxième année de médecine. Instauré en 1971 à la demande des médecins eux-mêmes, ce « numérus clausus » encore accentué à partir de 1980 a eu pour effet de diminuer drastiquement le nombre de médecins formés, cela au moment où le vieillissement de la population aurait exigé le contraire. Certes le gouvernement est en partie revenu là-dessus en 2020 mais c’est encore très loin d’être suffisant. Comme pour les autres professions de santé le temps de formation fait que l’offre de soins sera encore très insuffisante par rapport aux besoins dans les années qui viennent.

Cela ne fait qu’ajouter à la dégradation continue de l’hôpital public -cette grève a d’ailleurs suscité la colère des médecins hospitaliers ! Alors qu’il n’y a pas si longtemps la santé en France était donnée en exemple comment a-t-on pu en arriver à ce que des dizaines de malades meurent aux urgences faute de soins ?

Plus que jamais il est temps que soit rebâtie dans notre pays une véritable politique de santé qui prenne enfin en compte les besoins de la population.