Journal RESO N° 216
Juillet-août 2022
Mis en ligne le 18 juillet 2022

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Les bras m’en tombent : les PDG veulent des efforts / p.3 à 6 : Place au débat : Reconquérir l’hôpital public / p.6 : International : Colombie / p.7 : Actualité sociale / p.8 : Coup de gueule : une revalorisation en trompe l’œil

L’édito de Marinette Bache

Les élections législatives ont eu lieu. La 1ère leçon que nous devons, à gauche, politiquement comme syndicalement, en retirer est que moins d’un Français sur 2 s’est exprimé dans le cadre de ce vote central. Moins d’un Français sur 2 croit en cet exercice démocratique. Moins d’un Français sur 2 espère dans les politiques proposées pour répondre à ses problèmes. Et, surtout, cette proportion augmente de manière dramatique dans les quartiers populaires qui votaient traditionnellement à gauche - ou gaulliste quand cette option existait. L’accord électoral passé à gauche dans le cadre de la Nupes a permis que Macron n’obtienne pas, seul, la majorité absolue à l’Assemblée nationale ; c’est un point non négligeable sur lequel il faudra s’appuyer. Il ne faut cependant pas le surestimer : il y a une majorité d’idées parmi les députés élus pour une politique de régression sociale ; certes Macron sera obligé de discuter, texte par texte, avec la droite LR… Gageons que ce ne sera pas pour le plus grand bénéfice de ceux qui vivent de leur travail ! On ne peut pas non plus passer sous silence le score obtenu par le RN. Un nombre important de nos compatriotes a choisi d’exprimer sa colère par le vote pour l’extrême-droite. Et Dupont-Moretti dont le nom avait été évoqué pour affronter le RN dans une circonscription du Nord, n’a pas eu peur d’envisager aujourd’hui de travailler avec lui. La gauche, quant à elle, doit se ressaisir et se réadresser au peuple en prenant en compte ses aspirations et ses préoccupations en matière d’emploi, de salaire, de protection sociale, d’accès aux soins, d’éducation, de laïcité, de sécurité… ; c’est ainsi qu’on lutte contre le RN, pas avec des condamnations moralisantes.

Lors de son intervention télévisée, Macron est apparu comme plein de rancœur mais prenant en compte cette situation. Il reconnaît « qu’aucune force politique ne peut aujourd’hui faire les lois seules. », et que « la plupart des dirigeants reçus ont exclu l’hypothèse d’un gouvernement d’union nationale. ». Quelle surprise ! A gauche, on a pu juger sur pièces lors de son 1er mandat ; à droite on est divisé sur la tactique à employer même si le projet macroniste satisfait sur le fond. Cependant Macron met les points sur les i : son appel à « sortir des querelles et des postures politiciennes » dans un « dépassement nécessaire » aura comme base « la cohérence du projet choisi en avril dernier » (sous-entendu lors de son élection).

Nous voilà prévenus. Le cadre est posé. Le programme est inchangé. Le refus de celui-ci devra donc d’abord trouver son opposition dans la résistance sociale.

Et il y aura à faire. Derrière les emphases de Macron sur les « mesures d’urgence », le « pouvoir d’achat », le « plein emploi », des « choix forts », des « réformes ambitieuses », le « plus de richesses », « le chemin de la réussite collective »… se profilent déjà les politiques de demain. Et elles sont insignifiantes, méprisantes ou dangereuses.

Parlons donc du pouvoir d’achat. Pas de véritable revalorisation du SMIC ; 3,5% pour les fonctionnaires là où 10% ne rattraperaient pas la perte du mandat précédent, festival de mesurettes : aumône ponctuelle de 100€ aux plus pauvres seulement, histoire de provoquer contre eux la rancœur des smicards (diviser pour régner !) ; hausse des APL et - en même temps bien sûr - des loyers de 3,5% (bilan : perte sèche en moyenne de 25€ mensuels), maintien à 1% du taux du livret A (quel mépris pour cette épargne populaire), et à quand les bons alimentaires pour les plus défavorisés tandis que tous verront le prix du panier hebdomadaire de courses exploser ? (...)

Au prétexte de la guerre en Ukraine, l’inflation est de plus de 5% pour les 6 premiers mois de 2022. Les prix de l’alimentaire subissent une forte hausse depuis quelques mois et rien ne permet de penser que cela va s’améliorer. Les tarifs des produits agricoles ont bondi de 31 % en l’espace d’un an (avant la guerre en Ukraine) et on peut donc penser que la flambée de l’alimentaire n’est pas terminée. Dans ce contexte international et inflationniste, l’énergie a augmenté fortement : 84 % pour les combustibles liquides, 43 % pour le gazole, 41,3 % pour le gaz naturel… L’ouverture à la concurrence a affaibli notre principal producteur national : un quart de la production nucléaire d’EDF est réservée, à prix coûtant, aux fournisseurs alternatifs d’énergie. Les salariés d’EDF travaillent donc en partie pour la concurrence, laquelle ne crée pas d’emplois, refuse le risque industriel et profite du marché, sur le dos des usagers.

Autre préoccupation des Français : l’hôpital public. Comme nous l’avions dit, la prime Ségur de 183€ n’a pas été attribué à tous les agents. Et ‘est de toutes façons bien loin d’être une véritable revalorisation, pas le moins du monde une reconnaissance de la compétence et de l’utilité proclamée de ces métiers. Résultat, non seulement les jeunes n’aspirent plus s’engager dans ces filières (les IFSI ne remplissent plus leurs classes) mais ceux qui sont en place essaient par tous les moyens de quitter leur poste. Cercle vicieux : L’hôpital se vide de ses compétences, donc on supprime encore plus de lits, jusqu’aux services d’urgences ; le travail devient encore plus contraignant et fait fuir les soignants… La solution de Macron ? Une « mission flash » confiée à celui qui est devenu le ministre de la santé, François Braun, pape de la version libérale de l’hôpital !

Évoquons l’école publique. Blanquer lui avait affligé une purge financière qui remettait en cause l’accès de tous à un enseignement de qualité. N’Diaye continue dans cette voie en y ajoutant sa remise en cause de l’universalisme. Il s’en prend également aux enseignants, parmi les plus mal payés de l’Union européenne. Le niveau d’exigence de nos écoles devient tellement ridicule que le bac français vient de perdre son équivalence en Suisse et que la France vient encore de dégringoler au classement PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis). Qui s’en tire ? Ceux qui peuvent payer des écoles privées. Qui subit ? Les autres… mais il en est encore, à gauche, qui s’obstinent à cacher cette tragédie, ce sacrifice de notre jeunesse.

Voilà donc l’avenir qui nous attend si nous restons passifs. Résistance sociale !

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