Place au débat sur le fédéralisme et Macron
Par Jean-Claude CHAILLEY-Journal RESO n° 205 – JUILLET AOUT 2021
Mis en ligne le 23 juillet 2021

Fédéralisme et discours de Macron du 12 juillet Par Jean-Claude CHAILLEY

Contesté à droite comme à gauche, affaibli par son score de 3% des inscrits aux Régionales, Emmanuel Macron était obligé de s’exprimer. Il a passé une bonne partie de son discours au Covid, à l’autosatisfaction, à une « com » anesthésiante. Mais ce qu’il a omis est le plus important : la mise en œuvre du fédéralisme européen sous couvert de relance européenne, de transition écologique. Les peuples doivent l’ignorer.

Le Covid : diviser pour mieux régner.

La manœuvre politicienne de Macron a été de toute évidence décidée en catastrophe : le calendrier inepte annoncé fort solennellement par Emmanuel Macron le 12 juillet à 20 heures est remis en cause dès 8H30 le lendemain matin par Olivier Véran.

C’est une manœuvre de division entre ceux / celles qui sont pour la vaccination et ceux qui ne le sont pas ; entre ceux qui sont pour l’obligation et ceux qui ne le sont pas. Entre ceux qui sont pour les sanctions et ceux qui ne le sont pas ; entre les Antivax style Trump, Bolsonaro, FN, et ceux qui ont peur pour eux ou pour leurs enfants ; entre ceux qui ont confiance dans le vaccin et ceux qui n’ont pas confiance tant de mensonges ayant été prononcés…

Emmanuel Macron et l’Union européenne refusent le vrai remède contre le Covid et ses variants : la levée des brevets pour vacciner le monde entier !

On va de variant en variant, de vague en vague, avec des morts, avec des dégâts économiques et sociaux majeurs dans le monde entier. On vit sous la menace d’un nouveau variant, encore plus grave, qui pourrait attaquer les jeunes, les enfants…

Le seul moyen d’enrayer ces vagues successives c’est de vacciner l’ensemble de la population mondiale. Il faut lever les brevets, réquisitionner si nécessaire les entreprises qui peuvent fabriquer les vaccins.

M Macron, comme l’Union européenne, comme l’OMC, s’y refuse. Leur priorité c’est de sécuriser les profits de Pfizer et autres. Une 3ème dose, fort rentable, est déjà en cours de prescription.

Au lieu de lever les brevets ils pratiquent la charité, sur fond de rivalités géostratégiques. Résultat, conforme aux conclusions du sommet européen des 24 et 25 juin : « nous allons devoir vivre (mal vivre, voire mourir) avec le virus », alors que la science donne des moyens de lutte efficaces.

La responsabilité de Macron, de l’Union européenne, de la mondialisation libérale, dans la double crise sanitaire et économique, est accablante.

L’autosatisfaction d’E Macron ne repose sur aucune réalité.

M Macron se flatte « d’avoir largement préservé l’instruction, d’avoir fait le maximum pour l’avenir de nos enfants et de notre jeunesse ». On croit rêver !

Quant au chômage  : 6 millions d’inscrits à Pôle emploi pour les seules catégories A, B, C. Voilà le résultat des éternelles politiques dites « pour l’emploi » des gouvernements successifs.

En 2020 le PIB de la zone euro a chuté de 6,8 % dans la zone euro, mais de 8,3 % en France. L’effet des gigantesques aides aux entreprises se voit plus dans les dividendes, dans l’augmentation du nombre de milliardaires, que dans l’emploi.

L’argent a coulé à flots, ce qui a permis à la France «  d’être le pays le plus attractif d’Europe », d’autant plus « attractif » que Macron entend nous faire rembourser la dette par l’austérité, ce qui a déjà été voté et mis en application pour la dette sociale Covid

M Macron omet d’évoquer sa responsabilité dans la casse du code du travail : ses recommandations dans la Commission Attali, sa participation dans le quinquennat Hollande, puis ses lois en tant que Président de la République. Il a favorisé les licenciements, instauré la possibilité de baisser les salaires. Exemple ADP qui veut imposer un PSE + une baisse des salaires, ce que Macron a rendu légal. « L’équilibre entre protection et libertés » se concrétise par un rétrécissement des libertés, du droit de grève, du droit de manifestation, Décorer de la Légion d’honneur le trop célèbre préfet Lallement est pure provocation, un gage pour le MEDEF, LR et le FN.

Pure provocation également l’éternel hommage « à l’engagement exceptionnel de nos soignants » tant le manque de personnels, la coupe permanente des budgets, sont criants.

L’avenir vu par E Macron, dans le cadre de la politique libérale de l’Union européenne

Le discours d’E Macron s’inscrit dans le Programme de stabilité 2021 – 2027 soumis à la Commission européenne dès avril (voir Résistance sociale de juin)

« Baisse des impôts de production et de l’impôt sur les sociétés »

Les entreprises bénéficiaient – avant Covid – de près de 200 milliards d’aides dont près de 70 Milliards d’exonérations de cotisations sociales. Résultat : désindustrialisation et chômage. Accros aux aides elles demandent encore des dizaines de milliards au motif « qu’elles courent un marathon avec un sac de 50 kilos sur le dos »… et exigent des coupes sur les dépenses publiques, dans un processus sans fin. « La priorité de la sortie de crise sera donc la même que depuis le début du quinquennat : le travail et le mérite ». « La seule solution est de continuer à bousculer le système et les positions établies, les rentes, les statuts »

Traduction : poursuite de la casse du code du travail et des garanties collectives, individualisation, public comme privé, facilitation des licenciements, de la baisse des salaires.

Le terme « rente » est ambigu. Il ne s’agit pas de s’en prendre aux actionnaires mais de « rincer » ceux qui ont quelques économies sur le livret A ou l’assurance vie.

« Responsabiliser les chômeurs ». « C’est pour cela que la réforme de l’assurance chômage sera pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre ».

Au lieu d’interdire les licenciements dans les entreprises aidées, qui versent des dividendes, cf « plus jamais ça », il maintient l’application de sa honteuse réforme au 1er octobre pour récupérer, sur le papier, 1,5 milliard. En réalité en faisant baisser la consommation il abaisse les rentrées fiscales et sociales.

« Pour notre jeunesse, nous devrons continuer d’investir. Investir dans la petite enfance et dans l’éducation »

L’accumulation des réformes dont Parcoursup, la loi ESR, la quasi suppression de bac, entraînent l’éducation et la recherche dans une descente aux enfers au fond des classements mondiaux. Ils osent sacrifier les générations futures – et la compétitivité - au nom de leur dogme libéral de baisse des « dépenses publiques » et des salaires. Quant aux jeunes qui ont quitté l’enseignement, les succédanés ne peuvent masquer une immense galère pour trouver un vrai emploi avec un vrai salaire, même au-dessous de leur qualification.

« La nouvelle génération doit déjà assumer la dette écologique »  ; c’est tout ce qu’Emmanuel Macron a à dire sur l’écologie, mais c’est un silence assourdissant ! Il entend attiser la guerre des générations comme sur les retraites. Pourtant la destruction de la planète sous toutes les formes, y compris par les guerres permanentes, est-elle un fait des « générations » successives ou du capitalisme ?

Quant aux dépenses la fiscalité écologique est déjà massive, même si les évaluations varient selon les définitions : 51 milliards en 2016 (ministère de l’écologie), voire 65 milliards (Commission des finances de l’Assemblée nationale) ; 43 milliards dans le projet de loi de finances 2021, bien plus que la totalité de l’impôt sur les sociétés.

La discrétion sur la transition écologique de Macron a une explication : avec le « green deal européen », la « mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe », la transition écologique est transférée pour l’essentiel à Bruxelles. Sur nombre d’enjeux de la loi climat la ministre Pompili a renvoyé aux « négociations avec Bruxelles »

40 des 100 milliards du plan de relance français sont financés dans le cadre du plan de relance européen, de son emprunt de 750 Milliards sur les marchés. Les 40 Milliards sont consacrés à la transition écologique, car le terme consensuel « écologie » masque le but essentiel : le fédéralisme. La France est perdante avec cet emprunt : elle emprunte en gros à taux 0, alors qu’elle devra rembourser dans les 60 milliards. 20 milliards qui manqueront aux services publics, à l’hôpital public. Raison de l’accord de Macron : c’est un saut fédéraliste qui pour la 1ère fois fait consensus dans l’Union européenne, l’Allemagne y trouvant pour la 1ère fois son avantage, comme l’Italie et l’Espagne, mais au détriment de la France.

Le caractère fédéraliste c’est que les projets doivent être approuvés par Bruxelles. Ils sont sous son contrôle direct. Or si la transition écologique est nécessaire (au niveau mondial), le libéralisme ne peut que conduire à l’échec.

On ne va pas recommencer avec l’écologie comme avec Thatcher : TINA, « il n’y a pas d’alternative » à ma politique. La transition écologique ne passe pas par le libéralisme débridé qui oppose tous les jours « la fin du mois et la fin du monde »

« Moins dépendre de l’étranger »… alors que Macron est chaud partisan du fédéralisme européen !

Pour Macron (mais aussi l’UDI, LR, …) lorsqu’il parle de relocalisation, c’est en France ou en Europe, de surcroît dans le cadre de la lutte contre la Russie et la Chine menée par Trump, accentuée par Biden.

C’est à l’UE qu’a été confiée la gestion du Covid, avec le fiasco dû à sa politique libérale qu’on constate depuis le début et qui se poursuit. Forte de son échec l’UE veut s’approprier la santé qui est une compétence nationale !

L’adoption du plan de relance européen, l’emprunt de 750 milliards, a été saluée par l’Elysée de « Jour historique pour l’Europe ! « . Et c’est malheureusement exact.

La transition écologique pilotée par Bruxelles est le couronnement du fédéralisme car elle couvre tous les domaines de la vie économique et sociale, complétant l’immense législation déjà existante, mais pas toujours respectée comme les « critères de Maastricht » ou du TSCG.

En outre la BCE sous la conduite de Mme Lagarde – dont on se rappelle le rôle dans la troïka qui a mis à genoux la Grèce lorsqu’elle était à la tête du FMI – s’arroge également le pouvoir d’agir en toute indépendance des peuples sur sa façon (libérale) d’influer sur la transition écologique en satisfaisant les marchés financiers.

Le Fédéralisme européen est verrouillé par le Green deal :

Pour la Commission européenne le Green deal, le Pacte vert, « est l’occasion de bâtir un nouveau modèle économique » qui couvre « tous les secteurs de l’économie ».

Grand emprunt de 750 Md, Green deal, revue stratégique de la BCE, c’est le fédéralisme européen, libéral, autoritaire, privant les peuples de toutes souveraineté nationale et populaire, qui se verrouille.

Bientôt il y aura autant d’abstentions aux présidentielles qu’aux régionales car il n’y aura pratiquement plus rien à décider en France.

« Je ne laisserai pas filer la dette ». « Pas de hausse d’impôt » La dette – qui est approximativement le cumul 2003 – 2019 des aides aux entreprises - est le prétexte à toutes les régressions sociales. Le « pas de hausse d’impôts » peut continuer à se faire par la baisse des impôts de production, des impôts sur les sociétés, des cotisations sociales « patronales »,…et des avalanches de taxes « écologiques » ou autres (CSG, CRDS, …) qui frappent les ménages.

« Nous avons vu la force durant cette crise de notre modèle social,.. » Pure hypocrisie : ce qui reste de notre modèle social – il y a beaucoup à reconquérir – c’est grâce aux luttes contre Macron et ses pareils. Il s’attaque à EDF avec la réforme Hercule, à la SNCF alors que les exigences écologiques nécessitent un grand plan de développement du fret, il continue à casser les services publics, l’hôpital public, il entend reprendre la réforme des retraites…, le tout dans le cadre du programme de stabilité 2021 – 2027 soumis à Bruxelles.

Macron et le MEDEF ont peur du mouvement social.

Le MEDEF notamment a demandé à ne pas reprendre maintenant la réforme des retraites -qu’il juge pourtant indispensable -. Macron s’exécute. Il y a de multiples mobilisations locales, souvent des grèves reconductibles. L’abstention de 70 % aux régionales n’est pas de l’indifférence, mais une expression de mécontentement. Dans toute élection il y a la possibilité de dire « je ne prends pas part au vote » si on juge que les dés sont pipés. Ils ont peur que l’abstention se transforme en un mouvement social de masse spontané et incontrôlable.

La période qui s’annonce est pleine de dangers, mais elle peut aussi être porteuse d’espoir.