Journal Resistance Sociale n° 205 – JUILLET AOUT 2021
Mis en ligne le 22 juillet 2021

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p. 2 : lnternational / p. 3 à 6 : Place au débat : Fédéralisme et discours de Macron – Avez-vous remarqué : La Poste, la justice donne raison aux salariés / p.7 : Actu sociale : Politique régionale de transport ferroviaire : l’impasse de la concurrence / p.8 : Coup de gueule : Mieux vaut rouge que vert.

Dans quelques mois auront lieu les prochaines élections présidentielle et législatives.

Déjà plusieurs candidats ont fait savoir qu’ils étaient prêts à se lancer. S’il ne l’a pas annoncé officiellement, le discours d’autojustification prononcé le 12 juillet par Emmanuel Macron ne laisse aucun doute sur sa volonté de rempiler pour un nouveau mandat de cinq ans. Histoire de casser un peu plus les fondements même de notre démocratie et de notre pacte social et, en même temps, de prolonger son immunité personnelle au moment où certains de ses ministres risquent de se voir poursuivis devant la Cour de justice de la République pour leur gestion calamiteuse de la crise sanitaire et où l’ensemble du gouvernement ressemble de plus en plus à une association de malfaiteurs : ministre de la justice mis en examen, président de l’Assemblée Nationale mis en examen, ministre de l’intérieur faisant l’objet d’une enquête pour suspicion de viol, ministre du budget visé par une enquête pour corruption et prise illégale d’intérêts, ministre du commerce sous enquête pour abus de confiance... Allez, accordons la présomption d’innocence ! Cependant, on ne regrettera pas le départ annoncé de Jérôme Salomon, actuel directeur général de la santé, dont les décisions ont pesé lourd au tout début de la crise sanitaire, concernant notamment les masques.

Macron ne s’est pas contenté de justifier son action. Il nous a aussi montré que son crédo libéral n’avait pas bougé d’un iota depuis son élection. Ni la révolte des gilets jaunes, ni la mobilisation contre la réforme des retraites, ni la pandémie n’ont le moindre poids sur ses décisions. Au contraire, il en veut toujours plus, obnubilé par le désir de complaire à ses maîtres, chantres de la finance. Ceux-là même qui se sont copieusement enrichis du fait de la crise alors que des millions de salariés basculaient dans la pauvreté. Face à ce crédo libéral, la gauche tant politique que syndicale peine à définir un projet en phase avec les aspirations populaires et capable de mobiliser les électeurs qui se sont massivement abstenus lors des dernières élections départementales et régionales.

Mais si l’élection présidentielle a lieu dans quelques mois, les menaces sur le pacte social, elles, se font clairement sentir dès aujourd’hui. Surtout les mesures anti-sociales continuent de pleuvoir. Le décret sur l’indemnisation du chômage, quoique partiellement retoqué par le Conseil d’Etat, va accentuer fortement le nombre de personnes sans droits qui vont devoir s’inscrire aux restos du cœur. Macron l’a dit : il n’a pas renoncé à sa réforme des retraites. Derrière les artifices et la prétendue recherche de l’égalité, le but poursuivi est un nouvel abaissement généralisé du montant des pensions. Lors de son intervention, Macron a fait référence à des « situations de rentes ». Croyez-vous qu’il s’agissait d’une prise de conscience du « Jupiter » sur les rentes des actionnaires qui ont largement profité de la crise, en plus de leur habituelle logique de rentabilité ? Que nenni ! Il s’agit de s’en prendre aux emplois à statut : fonctionnaires, agents publics, salariés protégés par les conventions collectives. Depuis le début de cette crise, ce sont les salariés qui paient, ce sont eux qui sont menacés dans leur sécurité d’emploi -bonjour la loi d’urgence !- et il n’est pas question que ça change… si ce n’est en pire. Au gouvernement, le ministre de l’économie le répète à satiété : le « quoi qu’il en coûte » devra être remboursé sans faire appel à une augmentation des impôts. Entendez par là que ni les plus riches ni les entreprises ne seront mises à contribution. Ce seront donc bien toujours les mêmes qui devront sortir leur porte-monnaie. A ce train-là, faute de débouchés, les entreprises petites et moyennes déjà fortement impactées par la crise sanitaire risquent de ne pas survivre, nourrissant encore un peu plus les listes de Pôle Emploi. Face à cette casse délibérée du modèle social français, il est temps que la gauche abandonne sa course effrénée au « plus écolo que moi tu meurs » et trouve enfin des réponses concrètes aux problèmes de nos compatriotes : la sécurité, le chômage, la précarité, la hausse des salaires, la laïcité, les services publics… Ce n’est qu’à ce prix qu’elle retrouvera la confiance des électeurs et mettra fin à l’abstention généralisée.

L’enjeu essentiel ce n’est pas l’élection présidentielle, c’est la capacité de la gauche à se reconstruire, à retrouver le chemin de la « 1ère gauche », celle qui connait le sens des mots et le poids des actions et lui a permis d’engranger les victoires comme en 1981.

Marinette BACHE

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