PROGRAMME DE STABILITE EUROPEEN 2021-2027
Par Jean-Claude CHAILLEY - Journal RESO n° 204, Juin 2021
Mis en ligne le 1er juillet 2021

Le Programme de stabilité découle de la procédure du semestre européen dans le cadre du traité de Lisbonne, du TSCG (pacte budgétaire européen) qui a aggravé les « critères de Maastricht ». Nous avons lutté contre leur adoption. Ils sont légaux, mais non légitimes, cf. le NON au référendum de 2005. La pandémie a suspendu le pacte budgétaire, conformément à son article 3C concernant les « circonstances exceptionnelles ». Maintenant il se ré applique. Il faudrait rembourser le « quoiqu’il en coûte », l’augmentation de la dette, par une austérité qui (de leur point de vue) va durer très, très, longtemps.

Le Programme de stabilité 2021 – 2027 a été envoyé par le Président de la République à la Commission européenne en avril. C’est un engagement officiel. Il cadre notamment l’élaboration du PLFSS 2022 et du PLF 2022 (Projet de loi de Finance), et l’orientation des réformes des 5 années à venir.

> Nous savons donc déjà ce qui nous attend.

> Verbatim commenté

La double crise sanitaire et économique ne sera jamais surmontée « L’activité retrouvera en 2022 le niveau 2019. La crise entraînera une perte pérenne de 2,25 point de PIB » (soit dans les 55 milliards).

> Même si les prévisions sont hautement aléatoires, le problème c’est que le PIB (richesses créées par le travail dans l’année) est trop faible en France, même par rapport aux autres pays de la zone euro : c’est le résultat des politiques économiques et sociales désastreuses des gouvernements successifs.

Comme toujours, le prétexte de la « dette », des « dépenses publiques » trop élevées. Objectif : « retrouver la maitrise de nos dépenses publiques… stabilisation puis décrue de la dette publique d’ici 2027 ».

« Le Gouvernement entend améliorer l’efficience et la qualité des dépenses de l’État comme des opérateurs en mobilisant plusieurs leviers, l’objectif étant de réduire les dépenses… de maîtriser l’évolution de sa masse salariale, et de privilégier au contraire les dépenses ayant un fort impact socio-économique, en particulier au service de la modernisation et de la transformation publiques, et plus généralement les dépenses favorables à la croissance durable et inclusive ».

> Lorsqu’ils parlent de « dette » ils omettent de dire qu’en face de la dette il y a aussi des actifs : par exemple on a financé des hôpitaux, des écoles, des infrastructures,… Cette omission volontaire est faite pour « justifier » l’austérité, pour ouvrir la voie à la guerre des générations, à l’offensive contre les « boomers ».

> Ce qu’ils appellent « dépenses publiques », ce sont des investissements utiles à la population, comme la santé, l’enseignement, les services publics, la Sécurité sociale, la protection sociale en général.

> Ce qui les gêne dans « dépenses publiques » c’est le terme « publiques » et non « dépenses ». Au contraire, ils souhaitent l’augmentation des dépenses. Remplacer par exemple 25 milliards de cotisations sociales « patronales » par 35 milliards d’assurances privées ça baisse les « dépenses publiques » de 1 point, ça augmente les dépenses (privées) des salarié-e-s de 35 milliards et ça génère des dividendes. C’est le modèle des USA -cf. leurs dépenses de santé – généralisé par la Banque mondiale en 1996.

> Ils veulent réduire drastiquement les « dépenses publiques » utiles à la population.

Par contre, ils sont favorables à l’augmentation des dépenses publiques favorables à la « croissance », en clair de nouveaux cadeaux aux entreprises.

Poursuite de l’offensive contre tous les services publics « Plusieurs initiatives… seront poursuivies. En premier lieu, une transformation de l’action publique a été menée dans le cadre du programme « Action publique 2022 » (CAP 2022) … »

> Effectivement, c’est la remise en cause du programme du Conseil National de la Résistance par le programme tous azimuts CAP 2022 ; il est mis en œuvre, pas sous la forme d’une loi unique, mais par ou à l’intérieur de multiples lois dont Ma santé 2022, loi de transformation de la fonction publique, loi 4 D / OTE, réforme ferroviaire, réforme EDF « Hercule » en cours, réformes de l’enseignement, réformes de la Sécurité sociale visant à l’achever,….

Aucune ressource nouvelle, en réalité baisse des ressources issues des « entreprises » (donc du travail des salarié-e-s seul créateur de richesses) : « Pas de hausses d’impôts » (dans leur langage la cotisation est assimilée à un impôt) : taux d’impôt sur les sociétés de 33,3% en 2017 à 25% en 2022 pour toutes les entreprises », et en plus « CICE », « baisse des impôts de production »…

> Le « pas de hausse d’impôts » s’applique à la fiscalité des entreprises, aux cotisations sociales « patronales », au refus de revenir sur les exonérations.

> Pour nous, il y a forte menace d’augmentation de la CSG et de taxes.

Baisse des salaires et cotisations sociales « Pérenniser les mesures prises en faveur de la compétitivité et de la baisse du coût du travail »

> Baisse des salaires (APC..) et poursuite de la baisse des cotisations sociales, de la fiscalisation / destruction de la Sécu.

Baisse de l’ensemble des budgets, Etat, Collectivités, Sécurité sociale « Contenir la progression des dépenses publiques à + 0,7 % par an en volume entre 2022 et 2027. Ces 0,7 % incluent les transitions écologiques et numériques ». Comparaison : quinquennat Sarkozy : + 1,4 % / an. Quinquennat Hollande : + 1% / an.

> Macron / Medef prévoient donc un niveau d’austérité pire que Sarkozy / Hollande (et qui s’ajoute aux dégâts déjà réalisés). « Cette stratégie de soutien à la croissance et de maîtrise du rythme de progression de la dépense publique concerne l’État et ses opérateurs, les Administrations publiques locales (APUL) ainsi que les Administrations de sécurité sociale (ASSO) ».

Toujours plus de réformes structurelles « Cette stratégie doit reposer sur la poursuite des réformes structurelles favorables à l’activité, ainsi que l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique ».

> Attaque tous azimuts, du privé (baisse des salaires, dont cotisations sociales), comme du public et de la Sécurité sociale (budget, salaires également).

Le PLFSS 2022 et suivants s’annonce donc très mal : « Les administrations de sécurité sociale, qui représentent la moitié de la dépense publique, devront également participer à la modération des dépenses ».

> Elles sont prévues excédentaires dès 2023 pour rembourser la dette Covid et autres.

> Il n’y a pas de budget pour nos revendication d’augmentation des pensions de 100 € / 300 €, ni pour la santé – les déserts médicaux, les restructurations, fermetures d’hôpitaux, de lits,.. se poursuivent -, ni pour la perte d’autonomie, …

> La honteuse réforme de l’assurance chômage contribue aussi aux « économies ».

Baisse des pensions, réforme des retraites, report de l’âge de départ en retraite… « Il (le système de retraite) n’incite pas assez à l’emploi des seniors, alors que la France pâtit d’un taux d’emploi des seniors parmi les plus faibles des pays avancés, ce qui freine la prospérité collective du pays ; enfin, la soutenabilité financière du système n’est pas assurée avec les paramètres actuels. La concertation avec les partenaires sociaux sur ce dossier devra reprendre lorsque les conditions sanitaires et économiques le permettront ».

> Les libéraux ne cessent de rappeler que la France dépense « 4 points » de plus que la moyenne de l’OCDE pour les pensions. 4 points, c’est près de 100 milliards, près de 30 % du budget des pensions. La note du COR de juin va dans le même sens.

> La baisse des pensions inclut les retraites complémentaires AgircArrco, Cnracl, les cadres comme les ouvriers ou employés (et en % encore plus les cadres).

> Attention, il y a maintenant officiellement de l’inflation : 1,4 % sur 12 mois.

AUGMENTATION DES COTISATIONS : RAPPEL HISTORIQUE

Il paraissait normal, même à des gouvernements qu’on n’approuvait pas forcément, d’augmenter les cotisations : 1984 + 1 point de cotisation vieillesse / 1-8 - 1986 + 0,7 point / 1-7- 1987 + 0,2 point / 1-1- 1989 + 1 point, même si de 1984 à 1986 on est passé d’une revalorisation sur le salaire brut à une revalorisation sur le salaire net, puis en 1987 sur les prix.

La satisfaction des revendications des fonctionnaires n’est pas prévue, bien au contraire « Dans le secteur des collectivités locales, les exécutifs locaux se sont impliqués dans la démarche de contractualisation pour la maîtrise de la dépense locale engagée en 2018 et il conviendra… de poursuivre cette approche partenariale… une meilleure efficacité de la dépense publique devra être recherchée… ».

Renforcer le caractère autoritaire de la « gouvernance » pour imposer ces réformes et coupes budgétaires « Enfin, des évolutions du cadre de gouvernance de nos finances publiques contribueront à cette stratégie ».

> C’est une référence à la mission Arthuis dont la lettre de mission précise : « sécuriser l’apurement dans la durée de la dette de l’Etat et de la Sécurité sociale issue de la covid-19, et d’éviter la reconstitution de dettes non maitrisées générées par les déséquilibre courants ».

> Sont envisagés une réforme constitutionnelle ou une loi organique : dans la foulée de la « légitimité » due à l’élection présidentielle (qu’ils pensent gagner que ce soit LR, LREM, …)ils veulent verrouiller par la loi 5 ans d’austérité.

> Cette « sécurisation » de l’austérité va avec l’empilement de lois liberticides.

On sait donc ce qu’ils préparent pour l’été et l’automne. A nous de construire notamment une mobilisation aussi convergente et unitaire que possible.