Le service universel ce n’est pas le service public !
Par Michel JALLAMION, président de la Convergence de Défense et de Développement des Services Publics (journal RESO n° 201, mars 2021)
Mis en ligne le 25 mars 2021

Beaucoup pensent que les services publics sont une exception française. Ils se trompent. Il existe bien évidemment des services publics dans chaque pays qui n’ont pas encore basculé dans le libéralisme absolu. Par contre la conception DU SERVICE PUBLIC à la française, elle, n’a pas réellement d’équivalent. C’est une idée issue de 1789, de la Commune de Paris et de "l’École du service public" de Léon Duguit au 19ème, renforcée par le Conseil national de la Résistance.

Le service public est un outil public mis en place pour répondre aux besoins fondamentaux. Mais, en France, il le fait d’une manière originale en hissant cette nécessaire réponse au niveau des droits. Quelle que soit notre situation géographique, sociale et humaine, nous avons toutes et tous droit à l’accès au service public (droit à la justice, au transport, à la télécommunication, à la correspondance, à la propreté etc). Or, c’est cette idée, insupportable aux libéraux, que ceux-ci détruisent avec la notion européenne de service universel. Le service universel est une prestation minimale que doit effectuer une entreprise, habituellement l’opérateur historique (un bureau de poste tous les 20kms, couvrir au moins 80% du territoire et 95% de la population par Internet etc.). Bilan : non seulement tout le monde n’a plus accès aux services publics mais l’entreprise (qui peut être publique comme la Poste, majoritairement publique comme EDF, privée comme France Telecom etc.) considère les missions de service public -pourtant réduites à leur portion congrue- comme une charge. Ce qui était autrefois le cœur des activités de ces structures, leur raison d’être, ce qui a fait leur grandeur et permis leur notoriété et la confiance en ses personnels, est considéré aujourd’hui comme une incongruité. Ils veulent le beurre et l’argent du beurre : profiter du prestige d’être un « service public » mais sans en assurer les missions.

Il est grand temps que l’ensemble du mouvement social et des forces de progrès clarifient leur positionnement ! Nous devons combattre l’idée de service universel et lutter pour rétablir le service public. Nous n’avons rien à faire des « conquêtes internationales » de la Poste et d’EDF-GDF ! Si elles exportent leur savoir-faire, tant mieux mais le but est bien de couvrir l’ensemble de la population française. Et de cesser d’avoir un droit à deux vitesses. La conception de service universel mis en place depuis le traité de Maastricht n’est pas la pâle copie des services publics : il est son exact opposé. Il remplace la solidarité par la charité, crée des prestations et services à plusieurs vitesses, complexifie l’accès aux missions de services publics en pervertissant sciemment l’orientation des nouvelles technologies. Si nous ne l’affrontons pas de face alors nous nous condamnons à être sans cesse sur le reculoir. La Poste ou EDF ne peuvent pas « rendre compatibles » le profit et le service public. C’est un leurre. Le service universel n’est pas le dépassement de cette contradiction mais le triomphe du profit sur l’intérêt général.