"Je suis un médecin généraliste de terrain en colère"
Par Béatrice MULLIE - Publié dans le journal RESO n° 196 - Octobre 2020
Mis en ligne le 3 novembre 2020

En colère contre la façon désinvolte qu’a ce gouvernement de traiter la médecine de ville Depuis quelques semaines, au niveau de nos cabinets médicaux, nous nous prenons de plein fouet cette deuxième vague de Covid 19.

Qu’à cela ne tienne, nous sommes censés nous fournir en masques par nous-mêmes, la dotation d’Etat nous ayant été supprimée depuis le 4 octobre… Pas grave, on se débrouillera…Comme nous avons eu à le faire lors de la 1ère vague…Nous n’avions alors à notre disposition ni masques, ni tests et avons dû nous adapter. Heureusement, j’avais eu la bonne idée, comme une partie de mes confrères, de conserver la dotation de masques (périmés mais...encore utilisables..) de Xavier Bertrand, distribuée au moment de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009, en attendant d’enfin obtenir, au début au compte-gouttes, puis peu à peu plus généreusement, des masques chirurgicaux puis enfin les fameux FFP2, censés mieux nous protéger.

La débrouille, ça nous connait...C’est ainsi qu’il y a quelques semaines, je me suis rapprochée d’un laboratoire de ville pour avoir de quoi tester mes patients symptomatiques afin de gagner du temps pour avoir un diagnostic rapide qui me permettrait d’être plus efficace en prenant le virus de vitesse. Et, cerise sur le gâteau, on nous prend pour de bons petits soldats qui doivent obéir et suivre le protocole 4 D (dodo, domicile, doliprane… et pour certains malheureusement décès), faisant fi de notre examen clinique, de nos connaissances et de notre souhait de procurer les soins les plus adéquats aux malades, sous peine de sanctions par le CNOM (Conseil National de l’Ordre des Médecins), organe supplétif du Pouvoir…

Je pense à des confrères du Nord et de l’Est qui ont expérimenté des traitements (avec des médicaments bien connus) qui ont donné des résultats probants avec nettement moins d’hospitalisations mais ont été priés de se taire par le CNOM, sous peine de sanctions (cf « Je ne pouvais pas les laisser mourir » de J.J.Erbstein). Et bien sûr au professeur Raoult et son protocole Hydroxychloroquine/Azithromycine qui ont défrayé la chronique, avec interdiction aux médecins de prescrire l’HC.

Dernièrement, lui-même ne peut même plus en avoir le stock nécessaire alors qu’on lui propose gratuitement le Remdesivir, qui a fait la preuve de sa dangerosité et de son inefficacité mais a été acheté en grosses quantités et pour une très belle somme d’argent par l’Union Européenne…

Nous avons même reçu des recommandations élaborées par le Haut Conseil de Santé Public le 18 mai 2020 nous enjoignant de ne pas prescrire d’antibiotiques dans le traitement de la Covid en dehors de la présence d’un autre foyer infectieux documenté, et en tous les cas pas d’Azithromycine que certains médecins utilisaient comme anti-viral et immune-modulateur dans la Covid avec succès, semble-t-il…

Nous avons prêté le serment d’Hippocrate et nous nous devons de donner les soins qui nous semblent les plus adaptés possibles auprès de chaque malade, en notre âme et conscience et, non, nous ne pouvons les laisser mourir sans rien essayer…

En colère contre l’impéritie dont fait preuve ce gouvernement au niveau du milieu hospitalier (mais je ne suis pas dupe de leur malveillance jointe à leur indigence intellectuelle dans cette prise en charge…)

Aller dire au personnel hospitalier…qui lutte pied à pied depuis des mois contre ce virus, avec un manque criant de moyens de protection, de lits et de personnel qualifié… que le problème n’est pas celui du nombre de lits et de l’insuffisance en personnes qualifiées mais un problème d’organisation, c’est vraiment faire preuve de la plus totale malhonnêteté…

Il fut un temps, en 2000, où l’OMS clamait que la France offrait les meilleurs soins de santé généraux, l’auréolant ainsi du titre de meilleur système de santé au monde.

Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, les différents plans santé mettant de plus en plus à mal l’hôpital public, la tarification à l’activité établie depuis 2007 cristallisant les tensions à l’hôpital.

La gestion comptable de la santé, qui ne devrait pourtant pas avoir de prix, a transformé peu à peu les hôpitaux en entreprises devant être rentables, entreprises gérées par des administratifs, le personnel médical ayant de moins en moins voix au chapitre.

En 2017, les établissements de santé comptaient un peu moins de 400 000 lits d’hospitalisation à temps complet, soit 69 000 lits en moins qu’en 2003 et même 100 000 lits en moins en une vingtaine d’années(source DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques). Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, plus de 8000 lits ont encore été supprimés…

Les urgentistes réclament à cors et à cris, depuis moult années, l’ouverture de lits de réanimation pour les porter de 5000 à 12000 afin de pouvoir travailler correctement, en particulier en période automno-hivernale. Le docteur Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au SAMU, dit démarrer régulièrement ses gardes en sachant qu’il n’y a aucun lit disponible en réanimation (et ceci bien avant l’épidémie de Covid), ce qui l’obligera à perdre du temps au téléphone à la recherche de lits disponibles sur d’autres secteurs, de plus en plus éloignés du lieu de résidence des malades. Cette politique inepte du flux tendu, volonté d’Etat de rentabilité du secteur de la santé, se base sur un remplissage des lits à 80 % en réanimation (Cour des Comptes Français 2007).

Si nous avions nos 12000 lits de réanimation, point ne serait besoin de couvre-feu et de confinement généralisés…Resterait à prendre de simples mesures ciblées, de bon sens…

NB : C’est pour ces raisons qu’en tant que médecin généraliste, je m’associe à la tribune, parue le 26 octobre dans le journal Libération, tribune signée par des personnels du monde médical mais aussi par des membres de la société civile, qui réclame un deuxième Ségur de la santé mais un vrai, pas un simulacre, qui remettrait en cause la gestion comptable qui nuit depuis 40 ans au secteur de la santé. Car, écrivent-ils, « ce n’est pas seulement le virus qui tue et fait souffrir, mais bien aussi la ligne Maginot d’un économisme imposé aux dispositifs de soins. Il faut un projet d’envergure avec agora permanente, tant les évolutions dans le domaine de la santé sont impressionnantes. »

Plus largement, en plus de ce qui est évoqué plus haut, en colère contre le pilotage global de la crise sanitaire par ce gouvernement

On peut citer, à titre d’illustrations :

 les injonctions contradictoires (pour les masques d’abord inutiles puis indispensables, le nombre de personnes autorisées pour des spectacles…) ;

 le manque de masques initial et prolongé plusieurs semaines par absence de renouvellement du stock d’Etat et d’anticipation ;

 la passoire permanente au niveau des aéroports et des frontières sans testing préalable aux entrées sur notre territoire national ;

 la très flagrante insuffisance de tests pendant la première vague puis l’excès de ceux-ci lors de cette deuxième vague et leur gestion « open-bar » embouteillant les laboratoires et entraînant des résultats parfois jusque 10 jours plus tard et rendant ainsi inefficace le « contact-tracing » ;

 la centralisation des prises de décision entraînant une inertie de transmission aux ARS d’au moins trois semaines :

 le confinement généralisé stupide pendant la première vague en lieu et place d’un confinement ciblé selon les régions ;

 la prolongation de l’état d’urgence permettant de museler la population en prenant toute mesure coercitive que le pouvoir voudrait mettre en place ;
 les fermetures des bars et des restaurants qui respectaient cependant très majoritairement les règles de distanciation (alors que les transports en commun restent bondés) et le couvre feu quasi-généralisé à 21h00 ;

 l’interdiction de prescription de médicaments connus et anciens, sous le prétexte fallacieux qu’il faut des études contre placebo alors que la balance bénéfices-risques, même si on n’en connaît pas la réelle efficacité, penche nettement pour peu de risques et tellement plus de bénéfice potentiel… ;

 les effets collatéraux systémiques majeurs sanitaires (avec, entre autres, reports de soins, retards de diagnostics et donc de prises en charge et explosion des pathologies psychiatriques), mais aussi sociaux et économiques ;

 les décès des personnes en EHPAD ou à l’hôpital sans accompagnement familial possible.

Et en colère contre le président de la République et ses annonces de ce mercredi soir (28 octobre 2020)

En dehors de toute concertation démocratique et de toute logique, le chef d’État a programmé une nouvelle période de confinement avec ses corollaires (attestations, interdiction de toutes réunions amicales et familiales…), assignant à domicile toute une portion de la population qui devra essayer de survivre le moins mal possible (retraités, chômeurs, télé-travailleurs, étudiants…), poursuivant ainsi la destruction des petits commerces et des PME, achevant le monde de la culture et des Arts…sans aucune certitude sur l’efficacité de cette mesure, d’autant que les contaminations se font le plus massivement à l’école, au travail et dans les familles…

Je finirai en citant le professeur Raoult il y a quelques jours sur LCI : « A la fin, qu’est ce qu’on va suggérer ? Que tout le monde reste enfermé toute sa vie parce qu’il y a des virus dehors ? Mais vous êtes tous fous ! Vous êtes devenus tous cinglés ! »