La racialisation de la question sociale est une impasse
Tribune parue sur le site Internet du journal Marianne
Mis en ligne le 31 juillet 2020

Nous publions ci-dessous une tribune parue sur le site Internet du journal Marianne signée par de nombreuses organisations. N’hésitez pas à la signer à votre tour à l’adresse suivante : https://www.marianne.net/debattons/tribunes

Alors que notre pays traverse une grave crise sociale, qui touche l’ensemble des membres de notre société, certains se sont emparés de l’affaire Georges Floyd pour tenter d’assimiler la France à un pays raciste.

NOTRE HISTOIRE

Rappelons que notre pays n’a jamais connu la ségrégation, qu’il a été le premier, au nom de l’égalité, à abolir l’esclavage dès l’apparition de la République (1794), puis définitivement dès son retour en 1848, et qu’avec la fin du colonialisme – que ses propres idéaux condamnaient – il a parié sur l’égalité, rejetant les séparations selon les différences pour favoriser le mélange. Il a su donner les mêmes droits civils, économiques et sociaux à chacun, pour dépasser par le haut les contradictions du passé. Cela a été le fait non seulement du combat des républicains, mais aussi des luttes sociales dont bien des acquis sont inscrits dans notre Constitution. C’est une chance pour tous ! C’est d’ailleurs ce qui justifie aux yeux de bien des migrants de rejoindre notre territoire, la France étant devenue depuis 2019 la première terre d’asile d’Europe.

Aucune discrimination ne doit rester sans réponse, mais comment suivre ceux qui entendent assigner aux problèmes sociaux une origine uniquement raciale ? Selon le baromètre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la France n’a jamais été aussi tolérante et ouverte à l’égard des étrangers. Le Défenseur des droits recense, en matière de discriminations diverses, 5.448 réclamations (rapport 2019) dont 14,5% relatives à l’origine et 2,6% relatives aux convictions religieuses (21,3% et 3,7% respectivement en 2016). On comprend mal comment on peut parallèlement affirmer qu’il s’agirait d’un phénomène de masse, dit « systémique », car même en multipliant les réclamations par dix, nous en serions encore loin.

LES INÉGALITÉS

S’il y a des personnes pour lesquelles l’exercice de leurs droits est mis en cause en raison de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, cela relève d’une rupture de l’égalité qu’il faut combattre, et non des conséquences d’un « privilège blanc » qui n’est qu’un fantasme amenant le combat pour une cause juste dans une impasse. On justifie même l’idée folle d’une police au service de ce prétendu « privilège », par essence raciste, alors qu’elle est à l’image de notre société, diverse. Elle est tenue au respect des droits de chacun, et vu ce qu’elle représente, elle doit se montrer exemplaire ; mais les dérives à combattre ne peuvent pas être généralisées. La France est avant tout un pays de services publics qui bénéficient à tous, reflet du principe d’égalité qui trône au sommet de nos institutions, un pays où personne ne meurt devant un hôpital parce qu’il est de telle ou telle origine ou classe sociale. Selon le Défenseur des droits, le premier critère de discrimination en France est le handicap, avec 22,7% des réclamations. N’y aurait-il que des non-blancs qui en soient l’objet ? On voit combien il est absurde de tout rabattre sur la seule question de la couleur ou de l’origine.

LA CLASSE SOCIALE, VRAI MARQUEUR

Comme le souligne l’Observatoire des inégalités, à classe sociale égale, les enfants d’immigrés réussissent aussi bien que les enfants de non-immigrés. C’est bien l’appartenance à une classe sociale qui reste, en matière de réussite, le critère fondamental. C’est la place des enfants d’ouvriers qui n’a cessé de reculer dans les grandes écoles, toutes origines confondues. À ne plus voir les choses que par le prisme de la différence entre les « blancs » et les autres, on alimente une victimisation généralisée, justifiant de ne plus penser qu’en termes de minorités opprimées et de séparation. On se monte les uns contre les autres. On rend ainsi un service inespéré à l’extrême-droite, dont cette division est le fonds de commerce, comme à un ultralibéralisme mondialisé qui conteste la souveraineté des peuples, favorisant un modèle multiculturel anglo-saxon de cloisonnement identitaire qui annule la capacité à agir des forces sociales autant que celle à décider des citoyens. Il est d’ailleurs époustouflant de voir importer des États-Unis, par des gens se revendiquant comme de « gauche », une idéologie raciale qui y a depuis toujours concouru à la devise « diviser pour mieux régner », reléguant la question sociale tout en enfermant chacun dans une case. Nous n’en voulons pas !

FAIRE RÉSONNER LA RÉPUBLIQUE

Nous ne faisons qu’un peuple, croyants ou incroyants, de diverses origines ou couleurs, aux yeux de la République. Celle-ci est à la fois laïque, parce que l’État séparé des cultes ne reconnaît que des individus de droit par-delà les différences, et sociale, parce qu’en conséquence, la protection sociale est aveugle à tous les particularismes. Nous nous engageons à lutter pour l’idéal de liberté, d’égalité et de fraternité, car il est loin d’être mis en pratique toujours et partout, plutôt que pour un monde où chacun défend les droits de sa « race » ou de sa religion. Il n’y a d’espoir que dans un combat politique où le peuple joue le premier rôle, celui d’un corps de citoyens souverains, qui voit plus haut et plus loin, pour le bien de tous.