Plan européen : une vraie défaite pour la France
Par Yves LAOT (journal RESO n° 194 - Juillet-août 2020)
Mis en ligne le 31 juillet 2020

Après plus de 4 jours d’âpres négociations, les 27 ont enfin pu annoncer un accord pour un plan censé permettre aux pays de l’Europe et notamment aux plus fragiles d’entre eux d’éponger en partie les pertes colossales dues à la crise sanitaire. Ce plan de 750 milliards se compose de deux parties : 390 milliards de dette mutualisée sous forme de subventions, le reste (360 milliards) en prêts remboursables. Seule la première partie compte vraiment, les Etats n’ayant pas besoin de prêts tant que la BCE maintient des taux bas grâce au rachat de dettes sur le marché secondaire.

Ces fonds seront débloqués sur une durée de 7 ans. Certes, on pourrait se réjouir que l’Europe réponde enfin à la crise sanitaire alors qu’elle a été totalement absente quand l’Italie puis l’Espagne ont été prises dans la tourmente. En réalité ces sommes sont très faibles au regard de ce coûte la crise sanitaire et la crise économique qu’elle engendre. En outre, quand on dissèque un peu ce plan, on s’aperçoit que loin de constituer une aide pour les pays du Sud, cet accord risque d’aggraver encore un peu plus leur situation. En effet, l’obtention de subventions est conditionnée à un droit de regard de la commission européenne et des autres pays sur leur utilisation et à l’accomplissement par le pays demandeur de « réformes structurelles ». En clair, les pays demandeurs devront se soumettre à davantage d’austérité et seront sommés de déconstruire encore un peu plus le droit du travail ou d’agir pour diminuer le poids des retraites dans leur économie. Mais ce n’est pas tout. En échange de leur accord pour ce plan, les pays dits frugaux (Pays-Bas, Danemark, Suède, Autriche) ont obtenu des rabais importants sur leur contribution au budget de l’Union. Par ailleurs, certains programmes (Erasmus, santé, politique agricole commune) vont voir leurs subventions baisser. En outre, la Hongrie et la Pologne ont obtenu qu’on les laisse tranquillement bafouer l’Etat de droit.

Inutile de dire que, contrairement à ce que nous a vanté Macron, ce plan ne sera pas bénéfique pour la France. On peut douter en effet que, si elle demande à bénéficier de la part de subventions à laquelle elle peut prétendre (40 milliards), elle puisse les utiliser pour reconstruire son industrie ou pour améliorer ses services publics. Et puis la diminution des subventions à la PAC aura des conséquences pour son agriculture.

Sans compter que la France pourrait devoir rembourser plus que ce qu’elle toucherait. En outre, rien n’est acté sur la façon dont seront remboursées ces subventions. Quelques pistes ont certes été évoquées comme une taxe sur les transactions financières mais c’est un peu le serpent de mer depuis des lustres. En outre cet accord devra être validé par le parlement européen et les parlements nationaux.