Emmanuel Macron, l’usurpateur des jours heureux
Par Françoise DAL - Journal RESO n° 191 - Avril 2020
Mis en ligne le 29 avril 2020

(Ou du bon usage de la technique dite de triangulation, qui consiste à puiser dans l’idéologie de l’adversaire pour le priver d’arguments…)

Je me suis fait violence à écouter chaque discours du Président de la République depuis le début de la pandémie, cela relève en ce qui me concerne d’une forme de civisme scolaire qui m’habite encore ! Je n’attendais rien de ses discours faussement empathiques et résilients, creux sauf, comme tous, une date de sortie de confinement et les mesures qui seraient prises pour permettre à chacun de reprendre plus ou moins le cours de sa vie.

Nous avons eu une date, le 11 mai : dommage que le 10 mai tombe cette année un dimanche l’apothéose eut été de voir le Général De Gaulle et François Mitterrand réunis pour nous libérer en même temps !

Quelques lectures, certes orientées, m’ont amenée à tomber sur un texte d’actualité de Régis DEBRAY dans la collection « Tracts » de Gallimard, qui fait paraitre chaque jour des textes brefs et inédits pour trouver « les mots justes » en temps de crise.

Talent immense de DEBRAY et pour une fois dans une courte synthèse de constater que « la parole prolifère en même en temps que le virus ; tout peut se dire et son contraire sans que rien ne différencie le fondé de l’infondé. Donc tout se vaut et rien ne vaut. Qui croire ? A qui s’en remettre ? Où est la parole d’autorité ? ». « Nous sommes en guerre mais où est le général en chef, celui qui dit beaucoup en très peu de mots, veni vidi vinci, une phrase, un acte, pas un mot de trop et chaque mot à sa place... Comme la reine d’Angleterre 4 minutes, Imperatoria brevitas ».

Donc une date, une décision -la reprise progressive des classes pour les enfants, avec d’ailleurs le lendemain un ministre de l’Education nationale pitoyable mais très doué dans l’art « meurtrier du bla bla qui est aussi celui de ne pas répondre aux questions , mais très abondamment » écrit encore Régis DEBRAY pour qualifier les pouvoirs exécutifs de notre époque.

Et le vide sidéral d’absence de mesures concrètes -masques, dépistage, vaccins, respirateurs, etc.- quand ou comment pourquoi qui … et le bouclier insupportable de la science, du conseil scientifique et des professeurs de médecine truffés pour la plupart de conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques (il est curieux d’ailleurs que Karine LACOMBE, Cheffe de service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, coqueluche du journal de France 2, grande détractrice du Professeur RAOULT, appointée par le labo GILEAD, ait disparu des écrans radars !).

Après la dernière allocution du chef de l’Etat, j’allais donc muettement rester sur mes certitudes, les mêmes qui ont fait que je n’ai pas voté pour lui, pas même au deuxième tour de l’élection présidentielle ; mais voilà il s’est comporté en usurpateur du programme du Conseil National de la Résistance en terminant ses propos par « et nous retrouverons des jours heureux ».

Or il n’est pas une seule réforme écrite dans ce programme « Les jours heureux », le 15 mars 1944, qui n’ait fait l’objet d’une remise en cause fondamentale par ce gouvernement, sur un terrain, hélas labouré, par un précédent quinquennat « socialiste » calamiteux.

Je les cite :

Sur le plan économique :

- l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
- une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des États fascistes ;
- l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’État après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
- le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ;
- le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
- le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.

Sur le plan social :

- le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
- un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
- la garantie du pouvoir d’achat national pour une politique tendant à une stabilité de la monnaie ;
- la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
- un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
- la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
- l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance conte les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
- le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste ;
- la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation.

Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale.

Ma réaction est d’autant plus vive que je lis dans un entretien très récent au Figaro que Jean Pierre CHEVENEMENT, consulté par ailleurs par le Président de la République, en appelle à la constitution d’un gouvernement de salut public parce que l’heure est à l’unité nationale.

Quel dommage que Jean-Pierre CHEVENEMENT, cet homme d’état visionnaire, en son temps, des dégâts que les politiques d’austérité orchestrées par l’Europe et le traité de Maastricht allaient occasionner aux peuples et à leurs nations respectives, chantre de la mise en place d’une politique industrielle puissante pour la France, courageux patriote à la Jaurès, se laisse aller à réclamer « une salutaire prise de conscience de nos élites », les mêmes qui ont bradé, depuis des années sans vergogne tous les acquis du programme national de la Résistance ? Ce serait lui faire affront que de lui rappeler que les gouvernements de salut public sont des prétextes pour étouffer le débat et enjamber la démocratie ? Et que les centristes peuvent devenir les pires dictateurs !

Après la crise des Gilets Jaunes, pense-t-il que le peuple pourrait comprendre une forme de concorde :

- avec celui qui a achevé de tuer le service public hospitalier, acclamé tous les soirs à 20 heures et qui doit encore dans certaines structures médicalisées confectionner des surblouses avec des sacs poubelles ?
- avec celui qui commande à son banquier séculier désormais appelée Banque des Territoires (ex CDC) une note qui explique comment continuer la privatisation rampante des hôpitaux à la gloire des partenariats publics /privés et qui, pour rattraper le scandale, se sent obligé de licencier le trop zélé Directeur de l’ARS de Nancy qui persistait dans la nécessité de fermer des lits en Lorraine, cœur de l’épidémie ?

Et tout cela pour une « guerre contre un virus » qui, au fond, est un révélateur puissant de la crise de la globalisation néo-libérale qui abandonne les faibles et les pauvres au bord du chemin (APL, CSG, Suppression de l’ISF) pour engraisser les entreprises du CAC40, bénéficiaires du CICE de François HOLLANDE (20 milliards) puis doublé par Emmanuel MACRON ?

Qu’on ne se méprenne pas sur ma colère… J’ai bourlingué suffisamment sur la route politique pour ne plus m’émouvoir des voltes faces des ATTALI et GLUCKSMANN - Je ne résiste pas, d’ailleurs à vous citer, une des déclarations savoureuses de ce dernier : « L’Europe est au fond le dernier continent à croire en la fable de la mondialisation heureuse. Si nous n’arrivons pas à faire bouger les lignes de Bruxelles sur certains sujets, l’Europe devra redonner aux États et aux Nations leur souveraineté. Ce qui doit primer ce n’est pas l’idéal européen c’est la nécessité de redevenir souverain ».

Mais en aucun cas, il faut se laisser entrainer sur le chemin du gouvernement de salut public car cela reviendrait à pactiser avec l’ennemi ; si cela avait été le cas, en 1944, les membres du Conseil National de la Résistance n’auraient jamais écrit « les Jours heureux ».

Alors, est ce que tout va changer demain ? Des parlementaires se sont regroupés pour « préparer toutes et tous ensemble le jour d’après », texte mièvre et plateforme interactive, la Convention Citoyenne pour le climat et ses 150 participants a rendu ses propositions etc …, et de citer à nouveau Régis DEBRAY : « On sait comment l’Etat, quand il a choisi de se suicider pour, dit-il, se moderniser, a inventé toute sorte d’organes de défausse au titre plus ou moins pompeux, Comités, Hauts Conseils, Observatoires, Forums, Conventions, et 10 autres ».

Bien sûr, il faudra changer de Président de la République -et le temps viendra- mais faire œuvre de salut public ne serait-ce pas que se retrouvent, sur les propositions économiques et sociales du Programme du Conseil National de la Résistance, des femmes et des hommes prêts à en faire , bien sûr en l’adaptant aux temps modernes et surtout aux problématiques d’urgence climatique notamment – leur cheval de bataille-, pour que véritablement les jours d’après ne redeviennent pas les jours d’avant.

Il faut des ruptures : le temps des compromis est révolu.