Journal Resistance Sociale n° 191
Avril 2020
Mis en ligne le 29 avril 2020

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.3 : A l’international / p.4 et 5 : Libres propos / p.6 et 7 : Place au débat / p.8 : Coup de gueule

L’édito de Marinette Bache et Pierre Kerdraon :

Nous sortirons du confinement. Cette pandémie cessera et nous rependrons une vie normale. Le tout est de savoir ce qui se cache derrière ce mot « normale ».

Pour l’instant, nous traversons l’épidémie dans des conditions difficiles. Nous ne parlons pas du confinement, évidemment difficile à supporter, principalement dans les grandes villes et notamment pour les familles populaires qui vivent dans de petits appartements – les différences sociales ne sont pas neutres à notre époque !

Mais nous parlons plutôt des conditions sanitaires dans lesquelles notre peuple traverse cette épreuve.

- des manques inadmissibles : masques, blouses, gels, tests, respirateurs, …
- des décisions inconséquentes et changeantes : port du masque, question des tests généralisés à la population, ouverture des marchés ouverts et de plein air, étrange « débat » sur l’utilisation de la chloroquine,
- des personnels hospitaliers (médicaux, soignants mais aussi techniques) éreintés par des conditions de travail impossibles, d’autant plus qu’ils sont souvent en nombre insuffisant,
- un manque criant de places en réanimation mais aussi plus largement dans l’ensemble des structures hospitalières alors que les plans de réduction de lits n’ont pas disparu (même si le directeur de l’ARS Grand Est a fait les frais de son franc-parler),
- un état dramatique des EPHAD avec un manque criant de personnel qui s’est révélé mortel pour de très nombreux résidents.

Tout cela n’est pas le fruit du hasard ou du destin comme ose le dire Macron. Si comme l’écrivait Émile de Girardin en 1849 « Gouverner c’est prévoir », les gouvernements de ces trente dernières années n’ont pas prévu grand- chose. Mais pire, ils ont détruit un système hospitalier qui avait fait ses preuves (64 000 lits supprimés en 20 ans tout comme une centaine de structures hospitalières) sans autre préoccupation que l’intérêt des puissants et leur foi inébranlable dans le marché libre et non faussé. Et nous ne pouvons passer ce grave bilan par pertes et profits.

Avant la crise sanitaire, les Français soutenaient déjà les personnels soignants et médicaux des hôpitaux en grève. Avec la crise, ils ont mesuré l’ampleur des dégâts infligés par le libéralisme au service public hospitalier. Et ils ne sont pas prêts à pardonner aux responsables qui ont mis en danger leur santé et celle de leurs proches.

Faisant fi de ce sentiment, Macron et sa « majorité » ont profité de la situation pour faire passer une scandaleuse loi dite « urgence-coronavirus ». Cette loi remet en cause les acquis du droit du travail (Cf. bulletin de mars 2020) mais surtout n’a pas de date de fin d’application. (...)

Cela n’a pas suffi au MEDEF. Il a certes mis sous le boisseau ses dernières exigences (semaine de 60 heures, dix heures par jour, suppression des 35 h, suppressions de jours de congés et de jours fériés) compte tenu de l’opposition unanime des organisations syndicales (y compris pour une fois la CFDT) et du tollé dans la population, mais il est à craindre que Macron cède à ces exigences comme le prouvent ses interventions en faveur des entreprises et sa récente loi.

D’ailleurs, dans la fonction publique qu’il contrôle, le gouvernement vient d’autoriser les chefs de service à imposer des suppressions de RTT et de congés y compris pour ceux qui télétravaillent ou doivent faire l’école à leurs enfants. La mise en place du travail gratuit en somme !

Comme s’il craignait une réaction justifiée du peuple à la sortie du confinement, alors même que tests et masques manquent, le gouvernement ne vient-il pas d’acheter des milliers de drones et de LBD histoire sans doute de pouvoir à nouveau matraquer à loisir les réfractaires à sa politique ?

La gauche dans sa diversité, politique, syndicale et associative devra être au rendez-vous de la résistance, mieux : de l’offensive face au libéralisme. Les organisations de gauche, avant de proposer un indispensable programme alternatif commun qui réponde, plutôt qu’à leurs dadas, aux véritables préoccupations des Français – emploi, salaires, logement, santé, éducation, transport et énergie, sécurité, … - doivent formuler une réponse immédiate et vigoureuse :

- embauches dans le service public hospitalier mais également dans les autres services publics,
- nationalisations des entreprises des secteurs qualifiés d’essentiels et d’une partie du secteur bancaire,
- moyens pour la relocalisation des entreprises stratégiques, notamment dans le domaine de la santé,
- relance de l’économie par l’irrigation du tissu des PME,
- abrogation des lois libérales El Khomri, Macron et autres,
- annulation des projets de réforme des retraites et de la Sécurité sociale,
- et, bien sûr, obligation des plus riches à participer à la solidarité par le rétablissement d’un véritable impôt sur la fortune, une véritable lutte contre l’évasion fiscale et la limitation des profits des actionnaires.

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