Crise Sanitaire - Analyse de la situation
Par Marinette Bache - Journal RESO n° 190 - Mars 2020
Mis en ligne le 31 mars 2020

La crise sanitaire dure donc officiellement depuis le 17 mars à midi. La France, dans son ensemble, vit une situation de confinement inédite : nous sommes cloitrés chez nous et bien sûr, ce sont les plus défavorisés, les familles qui vivent dans de petits logements qui en souffrent le plus ; là également, l’inégalité règne. D’autres sont « au front », pour employer le vocabulaire guerrier -et sans doute inapproprié- de ceux qui nous gouvernent. Bien sûr il y a d’abord les personnels médicaux, infirmiers et soignants des hô-pitaux, ceux de la santé « de ville » aussi, et ceux des EHPAD -qui vivent souvent un drame auprès des personnes âgées. Il ne faut pas oublier tous les personnels des services qualifiés « d’essentiels » : les agents de la propreté, des transports, des services funéraires, des pompiers, de la police et de la gendarmerie… personne, même dans ce gouvernement de libéraux, n’ose, en ces temps, contester la pertinence du service public ! Il y a tous ceux qui, dans les services sociaux et les associations, interviennent auprès des plus démunis. Il y aussi tous ces salariés que l’on oublie et qui nous permettent de continuer à vivre ; je pense en premier lieu aux personnels des supermarchés, principalement des femmes, caissières mal payées, qui sont chaque jour exposées au virus.

Ne revenons pas sur la décision de maintenir le 1er tour des élections municipales ; cela a sans doute été une occasion supplémentaire de propagation du virus. A partir du moment où ce tour a eu lieu, il devait être validé par respect pour tous ceux qui ont pris le risque de se déplacer pour accomplir leur devoir de citoyen comme pour tous ceux qui ont travaillé bénévolement à son organisation dans les bureaux de vote ; après cela le report du 2ème tour en juin était la seule décision possible.

Le bilan attendra la fin de l’épidémie. Mais dès maintenant, nous savons que ce bilan devra être fait. Dans les 2 assemblées des voix s’élèvent pour demander des commissions d’enquête parlementaires. C’est bien et ce sera utile. Mais le 1er bilan, il devra être établi par le peuple. Et déjà, on sait sur quoi il portera.

L’irresponsabilité de ceux qui sont en charge de notre pays est en cause. Par dogme libéral, ils ont détruit l’ossature de notre société de solidarité pour le seul profit de la finance mondialisée qui veut imposer aux peuples son mode de vie basé sur une concurrence effrénée qui sacrifie les plus fragiles au seul bénéfice -et quel bénéfice !- de ceux qui possèdent en même temps argent et pouvoir. Ce dogme n’a qu’une loi : assouvir les besoins de rentabilité et de marchandisation des patrons et des banquiers.

Ce dogme a tué, autant que le virus. L’impréparation de notre pays qui, il y a encore quelques années, possédait le meilleur service de santé de la planète, à répondre à une grave crise sanitaire, est patente.

Il y a d’abord la casse généralisée du service public hospitalier : la suppression d’hôpitaux de proximité devenu de simples dispensaires inadaptés à la prise en charge de malades graves, le démantèlement des gros CHU, la suppression de services, le manque criant de personnels après les suppressions de dizaines de milliers de postes, le manque de matériels et de respirateurs dû aux restrictions budgétaires successives… Tout cela était connu. Depuis plus d’une année les soignants allaient de grèves en grèves sans recevoir la moindre écoute de Macron et de son gouvernement. A travers le comité inter-hôpitaux, les médecins avaient rejoint les personnels infirmiers et soignants et tiré la même sonnette d’alarme ; rien n’y fit. Si c’est faire « polémique » que de le rappeler, eh bien, faisons polémique : ce qui est en jeu en vaut le coup.

Aujourd’hui, en Ile-de-France, le plus grand centre hospitalier du monde dont nous étions légitimement et collectivement fiers il y a une trentaine d’années, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, n’est plus capable d’accueillir tous les patients gravement atteints et des chefs de service d’urgence demandent un pont aérien et ferroviaire pour une évacuation d’ampleur des malades vers des hôpitaux d’autres régions plus rurales. Cependant ces hôpitaux ont été très touchés par les prétendues « restructurations » des libéraux au pouvoir ; pourront-ils les accueillir dans des conditions satisfaisantes ? Déjà on parle d’évacuation dans d’autres pays européens. A quel niveau ont-ils fait sombrer notre pays ?!

Les incohérences sont aussi légion. Ne revenons pas sur le temps mis à décider de la procédure de confinement. Le courage n’étant pas l’apanage de Macron, on ne peut s’en étonner. Il est cependant ahurissant de découvrir que l’ex-ministre de la Santé, Buzyn, pendant qu’elle déclarait, en janvier, que le virus ne quitterait pas Wuhan en Chine, savait, comme médecin, que la France et l’Europe seraient massivement touchées et informait Macron et Philippe de la nécessité de prendre des mesures. Avertissement ignoré : la priorité était la campagne pour la mairie de Paris qualifiée aujourd’hui de "mascarade" alors qu’elle s’y était apparemment volontiers prêtée. Les usines produisant des masques ont été délocalisées telles celle de Plaintel. Un cas d’école que cette usine appartenant au groupe américain Honeywell ! Le site de production a été fermé pour le délocaliser en Tunisie licenciant les salariés. Cette entreprise fabriquait des vêtements de protections sanitaires et des masques respiratoires jetables au rythme de 20 millions par mois. C’était une entreprise ultra-moderne qui a empoché les aides de l’État pour financer 8 plans sociaux qui n’ont servi qu’à se débarrasser des salariés. Honeywell a détruit ses machines performantes en novembre 2018 avant de partir en Tunisie. Bien sûr les ministres alertés par les organisations syndicales n’ont pas levé le petit doigt. Véran, le libéral nouveau venu en charge de la santé - et bien connu pour les dégâts qu’il y avait opérés de sa précédente responsabilité - inventait le précepte « le masque ça ne sert que lorsque vous êtes infectés », ritournelle immédiatement rabâchée par des médias aux ordres. Si au moins, on en avait commandé en quantité à l’étranger, comme l’ont fait à nos frontières d’autres pays tels l’Allemagne ou la Belgique ! Mais non, il faut croire que la ritournelle était auto-convaincante… ou que l’incurie règne. Bref, il manque de masques pour les soignants de tous types, mais des professionnels aussi sur le terrain comme les policiers, les gendarmes ou les employés de l’alimentaire en sont également dépourvus. Après les masques, le gel hydroalcoolique est également en rupture de stock alors qu’on invite à se laver les mains régulièrement. Heureusement le savon est également utile. Se laver les mains, le gouvernement de Macron en est un grand spécialiste ! Il renvoie tout sur les collectivités locales : faire respecter le confinement -y compris des couvre-feux, ouvrir ou fermer les marchés, gérer convenablement la voirie et la propreté avec des agents territoriaux toujours moins nombreux puisque le gouvernement a imposé aux communes et autres collectivités locales une « contractualisation » qui a « encadré » leurs dépenses et contraint à la suppression de postes. Ceci en même temps qu’il dégageait l’Etat -lui aussi amputé de ses moyens d’action- de ses missions régaliennes et qu’il essaie ainsi de se dédouaner de ses responsabilités. Comme d’habitude, les Français, les "Gaulois réfractaires" de Macron sont insultés : c’est leur "insouciance" qui est cause des difficultés à lutter contre la propagation du virus.

Enfin, les tests.

La doctrine en France serait de ne pas les systématiser. Résultat si on compare avec l’Allemagne : nous avons moins de cas positifs identifiés mais un taux de mortalité beaucoup plus important. Là encore l’impréparation et le manque de moyens sont présentés comme un choix mais ce sont les malades qui paient la note.

Abordons maintenant la loi « urgence coronavirus ».

Une loi libérale de plus. Macron nous avait fait un show sur la grandeur du service public et de ses agents, sur le courage des salariés qui restaient en poste pendant la crise sanitaire. On aurait pu imaginer que cette loi serait le reflet de ses dires. Cela aurait été d’une grande naïveté !

Comme le dit l’article de Marianne que nous reproduisons ci-après : « C’est confirmé : la loi "urgence coronavirus" va revenir sur les droits aux congés, les 35 heures... et sans date limite ». Comme à son habitude Macron s’est conduit en bras armé de la Finance, supprimant ainsi, entre le projet de loi gouvernemental et sa présentation à l’Assemblée, la notion de limite dans le temps. De la même manière, le gouvernement a évidemment reculé sur la question des dividendes ; les actionnaires ne participeront pas à la solidarité avec les salariés. Le gouvernement a seulement lâché sur le délai de carence. C’est déjà cela, mais c’est bien peu. Nous ne nous attarderons pas plus sur cette loi : les pages suivantes sont explicites. Aujourd’hui, tout doit être mis au service de la lutte contre l’épidémie.

Cela n’ôte à personne son droit à penser et à réfléchir. Au contraire. Il faut, dès maintenant, identifier les raisons qui ont fait de la France, un des pays qui, parmi les plus développés au monde, a le plus de mal à lutter contre cette pandémie. Et ce parce qu’on a méticuleusement, au nom du dogme libéral et de l’orthodoxie budgétaire, à la fois détruit nos services publics, y compris celui de la santé, et casser nos entreprises en les délocalisant pour le plus grand profit des actionnaires mais au risque aujourd’hui avéré de nous empêcher de combattre efficacement dans ce qui n’est pas une « guerre » mais une grave crise sanitaire.