Journal Resistance Sociale n° 204
Juin 2021
Mis en ligne le 1er juillet 2021

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p. 2 : lnternational / p.4 à 6 : Place au débat (programme de stabilité européen) / p.6 et 7 : Actu sociale (Appel pour la Poste) p.8 : Coup de gueule

L’édito de Marinette Bache

Le scrutin qui vient de se dérouler, élections régionales et départementales, est clair et sans tendresse pour la démocratie : les 2/3 des Français ne croient plus en son exercice.

Evidemment, on entend, à longueur de médias, que les Français sont « inadaptés » à l’exercice politique (Duhamel) ou, au moins, qu’ils ne devront pas se plaindre puisqu’ils ne se rendent pas aux urnes (la gauche). Et quand le RN est aux portes d’une région la plupart -et, si je doute de l’efficacité, je ne condamne pas- appellent à voter pour ceux-là mêmes qui sont la cause de ce vote de désespérance. A nouveau donc, je m’insurge contre ce mépris des classes populaires qui consiste à condamner, à invectiver ceux qui ne veulent plus choisir une alternance qui n’est pas une alternative, alors qu’ils ont maintenant une trentaine d’années derrière eux pour constater que les politiques menées ne marquent pas la différence qu’ils souhaitaient. (...)

Certes, le programme et le bilan d’une région dirigée par un des partis de la gauche ne sont pas exactement les mêmes que ceux d’une région dirigée par la droite, classique ou macroniste. Mais l’électorat ne s’en satisfait pas. De même, au lieu de lui reprocher de faire ses choix à partir de sujets qui ne sont pas de la compétence d’un conseil régional (exemple les questions de sécurité), on ferait mieux d’essayer de comprendre son malaise généralisé et qu’il a peu de raisons de faire confiance régionalement à ceux qui ne l’écoutent pas nationalement.

J’ai déjà eu largement l’occasion d’écrire que la gauche ne se reconstruira qu’en retrouvant le chemin du peuple, qu’en marchant sur ses 2 jambes : la républicaine et laïque (égalité des territoires et des citoyens, liberté de penser et refus de l’influence des dogmes dans la vie publique, sécurité pour tous et pas seulement pour les riches) et la sociale et économique (primauté au travail et promotion des droits de ceux qui le produisent, moyens de l’Etat au service d’une politique socialement progressiste -services publics et nationalisations). C’est à ce prix que la gauche restructurera ses principaux partis. Encore faudra-t-il avoir le courage de tourner le dos aux modes sociétales des bobos et regarder en face les aspirations populaires même quand elles dérangent la bien-pensance commune. Il suffit de regarder les chiffres : ils parlent clair. Même en période de grande abstention, où la bourgeoisie vote plus que les classes moyennes et populaires, il est à noter qu’une liste conduite par un représentant se référant principalement à l’écologie ou aux questions sociétales ne fait jamais le total des voix de gauche.

Alors, cet exercice -finalement peu démocratique- passé, la vie reprendra. Sortie, au moins partielle, du confinement va rimer avec désastre socio-économique.

La crise économique va s’amplifier, le gouvernement n’ayant pour seul souci que de préserver la finance mondialisée. Peu lui importe les PME qui déposent le bilan, les commerçants qui mettent la clé sous la porte. Peu lui importe, surtout, le million de chômeurs supplémentaires depuis 2019. Au contraire même, puisqu’il va en faire un argument pour casser un peu plus les services publics (oh la catastrophe de la distribution des plis électoraux par une société privée ! Mais ça ne va pas pour autant le motiver à renationaliser la poste…). Les hôpitaux, dont on a pourtant vu, grandeur nature, combien il était nécessaire de leur donner plus de moyens matériels et humains, sont déjà en train de subir de nouvelles coupes budgétaires ; des services entiers sont fermés en zones rurales faisant courir des risques vitaux à la population. Peu importe que des Français, toujours plus nombreux, se privent de soins essentiels : les cliniques privées se portent mieux que les hôpitaux ! Peu importe que nos anciens ne soient pas traités correctement dans nombre d’EHPAD -avec un manque criant d’aide-soignants- les multinationales du 3ème âge, elles, font leur beurre. Et c’est avec l’argument qu’il est nécessaire de mettre de l’ordre dans tout ça qu’on va s’en prendre de nouveau à la couverture sociale et à sa branche retraite. L’éducation va bientôt n’avoir plus de « nationale » que le nom, vu comment on instaure une école à plusieurs vitesses. L’aménagement du territoire n’est plus qu’un vieux souvenir. Les autoroutes ont été privatisées ; les routes nationales sont menacées. La SNCF est mise à l’encan. L’accès de tous à l’énergie est en ligne de mire et la précarité énergétique d’une partie de la population est déjà une réalité.

Alors au lieu de s’occuper d’écriture « inclusive » qui exclut les jeunes écoliers défavorisés, nie l’histoire de notre langue et, surtout, est une insulte à la conquête d’une véritable égalité femmes-hommes, au lieu de diviser les Français par un identitarisme indigéniste, au lieu de détruire notre université en l’américanisant, au lieu de parler de « sentiment » d’insécurité quand nos banlieues brûlent, au lieu de mépriser les ruraux, ces chasseurs et pécheurs retardés, la gauche serait bien inspirée de revenir rapidement à ses fondamentaux. Rémunérer le travail. Protéger, dans tous les sens du terme, les travailleurs. Créer de l’emploi propre et non aliénant. Construire des logements accessibles et décents. Rétablir la laïcité. Assurer l’égalité de tous sur l’ensemble du territoire. Et pour cela renforcer les moyens de l’Etat au lieu de les détruire.

La gauche ne doit de comptes qu’au peuple ; il vient de le lui rappeler.

Marinette BACHE

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