Nous revenons à l’horizon des prochaines élections européennes sur la question des services publics et de l’Europe
Michel Jallamion, président de la Convergence de défense et de développement des Services publics s’exprime d’abord sur le rapport établi suite à l’audit effectué par Marie Pierre Vieu, MC Vergiat et Pierre Bauby au Parlement européen. Dans le 2nd, il se centrera plus sur les rapports entre Services publics et l’Etat et les collectivités locales
Mis en ligne le 27 mai 2019

Merci car ce rapport démontre où nous mène la concurrence libre et non faussée portée par les gouvernements libéraux de l’Europe . Malgré des disparités la tendance est claire : passage de monopoles publics à des oligopoles privés, précarisation des conditions de travail, remise en cause de l’accessibilité et de l’égalité de traitement, augmentation des tarifs y compris des prix régulés, etc.

Aujourd’hui ces conséquences ne sont pas pour rien dans la révolte populaire que connaît la France .

Face à celle-ci le gouvernement Macron Philippe fait part d’un cynisme effroyable : non content de libéraliser le rail, de privatiser les aéroports, l’orientation de nos enfants, l’ONF, dans sa lettre aux Français, Macron demande à ce que l’on indique les services publics à détruire ! Comme s’il n’y avait pas assez de maternités, d’hôpitaux, de bureaux de Poste, de gares, de classes qui ferment jour après jour.

Outre la révolte actuelle, des combats d’importance sont menés parfois à l’initiative d’organisations syndicales associatives ou politiques, parfois d’élus, parfois de mobilisations citoyennes.

Il faut continuer ses combats car si la poste Lachambaudie du 12ème à Paris est restée ouverte, si l’ARS a renoncé à la fermeture de la maternité de Mayenne, si l’ensemble des bureaux de Poste ne sont pas transformés en points de contact aux supermarchés, etc… c’est bien grâce à la mobilisation des citoyens, qu’ils soient usagers, personnels ou élus. Nous devons résister. Résister, c’est empêcher le pire mais aussi préparer le meilleur. Pour les services publics nous devons donc partir à leur reconquête de façon convergente : usagers-personnels-élus & organisations syndicales-associatives et politiques.

Les services publics sont le socle de notre République car ils permettent l’accès aux droits. Les services publics ne sont donc pas un coût mais une richesse incommensurable.

Ils sont d’ailleurs un des principaux facteurs d’investissement, d’innovation, de recherche, leur accessibilité et leur qualité sont la première raison d’implantation des entreprises.

Outre le renforcement de l’existant : hôpitaux, justice, police, éducation, inspection du travail etc, etc. il nous faut revendiquer la création de nouveaux services publics : du logement, de la petite enfance, de l’eau, de l’informatique, de l’alimentation, de l’agriculture, de l’écologie et du développement durable, de l’égalité et particulièrement l’égalité femmes-hommes.

Il s’agit d’innover. Non pas faire ce qu’a fait le CNR. Mais faire comme le CNR : inventer des outils pour notre époque et pour notre peuple. Ainsi, il nous faut trouver les moyens de faire interagir et œuvrer en complémentarité le tissu associatif, l’économie sociale et solidaire et les services publics. Je salue à ce propos l’excellent passage sur les communs du rapport.

Il faut démocratiser nos services publics. Les usagers, les personnels et les élus locaux doivent pouvoir contrôler mais également faire partie du processus décisionnel.

Il n’est pas normal que la gestion des élus soit soumise au contrôle de la Cour des comptes et que la gestion et l’effectivité des services publics ne soient pas soumises, elles, au contrôle des élus locaux sur leur territoire. Pour réussir les services publics du 21ème siècle il faut partir des besoins, voir le coût effectif nécessaire et ensuite procéder à l’arbitrage politique. Qui peut mieux que les élus locaux être au contact des habitants afin de référencer leurs besoins ?

Enfin beaucoup de collectivités territoriales manquent de moyens pour s’imposer face aux multinationales. Il faut donc une complémentarité entre services publics nationaux qui pourraient épauler, fournir des moyens techniques, financiers et humains aux collectivités territoriales. Je pense notamment à l’eau, au logement, à la petite enfance. Pour tout cela et pour beaucoup d’autres choses- notamment l’aménagement du territoire, le statut pour le personnel– il nous faut des élus fer de lance d’une lutte de reconquête de nos services publics au niveau local, national et bien sûr au niveau européen. Tous les peuples y ont intérêt.

Alors merci aux élus, aux syndicalistes et universitaires qui mènent ce combat et qui, je l’espère, participeront avec nous à l’implantation de collectifs locaux pour la défense et le développement des services publics nécessaires. Encore merci à MC Vergiat, Marie-Pierre Vieu et Pierre Bobby pour ce bel outil de combat forgé pour l’utilité de toutes et tous.

État et collectivités :

comment faire vivre les services publics sur tout le territoire ?

Le service public est une revendication centrale des gilets jaunes, des mobilisations citoyennes (postes, gares, écoles, hôpitaux, maternités…), et syndicales (pôle emploi, CPAM, CIO, éducation, La Poste, finances publiques, SNCF, santé, ONF, etc.).

Le gouvernement n’aura pas réussi à faire s’opposer ces mouvements ni à empêcher la présence de l’exigence du service public dans les conclusions du grand débat.

Cependant, il continue de dérouler le rapport CAP 22 (fin des services publics, de la Sécurité sociale, des solidarités) et à fermer les services publics de proximité. Il oblige aussi les collectivités locales à restreindre leurs dépenses bien qu’elles représentent 75% des investissements publics. Les menacer c’est fragiliser notre économie, l’emploi. C’est fragiliser encore plus les services publics locaux - expression de la solidarité communale et associative - qui essaient de pallier le désengagement sans fin de l’Etat. C’est vouer à la paupérisation et à la désertification des pans entiers de notre territoire et de nos concitoyens.

Dernière attaque en date : celle du statut de la Fonction publique. Or, comme celui des cheminots, il est avant tout une protection pour les citoyens. Il permet que les fonctionnaires agissent pour l’intérêt général non pour des intérêts financiers : un agent des impôts doit rembourser les sommes indues, un agent SNCF refuser de conduire un train s’il y a un problème de sécurité pour l’usager… Peu importe que cela soit rentable ou non ! L’idée du gouvernement est de faire subir à la Fonction publique le même choc qu’ont connu les services publics avec la notion européenne de service universel : l’entreprise délégataire qui assume le service public le considère désormais comme un coût non plus comme sa raison d’être ! Loin d’être neutre, la construction européenne libérale a contribué à la destruction de nos services publics rendant importante l’échéance qui se profile. Nous assistons donc à une triple destruction : celles de la proximité, des missions et de la qualité.

F ace à cela il faut que les usagers, les personnels et les élus se mobilisent. C’est souvent le cas au niveau local mais pour être efficace c’est désormais au niveau national que la riposte doit avoir lieu. Pour cela il est impératif que l’ensemble des organisations syndicales, associatives et politiques progressistes puissent se mettre d’accord sur les conditions d’une multiplication de collectifs locaux de défense, de développement et de démocratisation des services publics. Cela afin d’agir efficacement, référencer les luttes, servir de lanceur d’alertes, aider nos concitoyens à faire valoir leurs droits et surtout créer du débat public entre usagers, personnels et élus. Nous devons sortir de l’entre-soi pour pouvoir entraîner dans notre sillage et ainsi créer les conditions de grandes mobilisations nationales unitaires et citoyennes.

Il est temps de revendiquer la réimplantation de nos services publics dans les territoires , un retour au public et une gestion démocratique. Il est temps d’exiger de nouveaux services publics (logement, égalité femmes-hommes, écologie, alimentation, communication et d’Internet…) correspondant aux besoins du 21ème siècle. Nous pouvons nous appuyer sur les nouvelles technologies pour les référencer et les satisfaire plutôt que pour déshumaniser nos services publics et raréfier leur implantation.

Encore faut-il qu’une volonté politique existe. Encore faut-il que nous convergions, tous ensemble pour l’exiger.