Journal REsistance SOciale n°178
Février 2019
Mis en ligne le 26 février 2019

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale (Venezuela) / p.3 à 5 : Place au débat (réduction de la dépense publique ?) / p.6 et 7 : International (Traité d’Aix-la-Chapelle) / p.7 : Actualité sociale (Alstom) / p.8 : Coup de gueule (Métropolisation)

L’édito de Marinette Bache

J’écris cet éditorial à la veille du 15ème épisode du mouvement des gilets jaunes : 3 mois de mobilisation, un taux toujours très fort de soutien dans l’opinion publique. Et ceci malgré l’alliance du pou-voir, de la finance, de la bien-pensance et de la suffisance pour contrer et/ou discréditer cette révolte populaire.

Macron sillonne la France au nom de cet écran de fumée qu’il a baptisé « grand débat national » ; plus personne n’y croit. Il n’affronte bien sûr pas d’assemblées publiques mais convoque les maires dont il limite la parole (après avoir sérié les thèmes autorisés au débat) et auxquels il donne des leçons pas toujours appréciées. Il est des maires ruraux pour saisir l’occasion de parler de leurs services publics supprimés ou lui rappeler que les revendications des GJ ne s’adressent pas aux élus locaux mais à lui et à son gouvernement. En tous cas le leader d’En-marche et des « carrés Hermès » a trouvé le bon moyen pour faire payer sa campagne européenne par les deniers publics. Sans compter les passages TV… Dans l’indifférence d’institutions telles la Cour des comptes dont les membres payés jusqu’à 15 000 € trouvent que les fonctionnaires qui touchent 1 500€ sont des privilégiés… et trop nombreux.

Plus graves encore sont les accusations, quelquefois relayées dans les rangs de la gauche, destinées à discréditer ce mouvement. Oui, il est divers, large, hétérogène, inconstruit. Il est à l’image de notre peuple avec ses qualités et ses défauts. Il porte des revendications qui sont celles du mouvement so-cial : salaire et pouvoir d’achat, services publics à proximité, justice fiscale, dignité sociale, aspiration à exercer sa citoyenneté. Mais il lui arrive de se laisser infiltrer par l’ultra-gauche des black-blocs qui casse. Du flic, des magasins, des voitures, des symboles de la République… De se faire infiltrer aussi par l’extrême-droite raciste et antisémite que nous condamnons sans détours : c’est le combat de toujours du Mouvement Ouvrier quand d’autres n’ont pas hésité à collaborer. Il est très dangereux de vouloir réduire cette révolte à cela, quand ce n’est pas d’essayer de mettre sur le dos des GJ, indifféremment, des actes antisémites dont il est prouvé, à peine publication est-elle faite sur les « réseaux sociaux », qu’ils sont l’œuvre de véritables fachos qui n’ont rien à voir avec ce mouvement.

A traiter, au mieux, ce mouvement de populiste – alors qu’il est populaire- à mépriser tout un peuple, à le renvoyer à une image exécrable de lui-même, on joue avec le feu. Mais qu’importe aux privilégiés ! De BHL à Alain Minc, de Deneuve à Berléand, les Gilets jaunes les « font chier » (sic). Que cessent ces cris de misère qui les empêchent de jouir sereinement de leur fortune ! (...)

Et qu’importe à Macron, cela entre dans son jeu de cynique. Lui ou le chaos, c’est sa stratégie. Et on comprend son raisonnement puisqu’il est le seul président de la 5ème république qui a été élu sans un assentiment majoritaire sur son programme (seuls les 18%...), mais par simple refus de Marine Le Pen (Chirac, en 2002, disposait d’un bien plus fort taux de soutien, son parti étant divisé sur les hommes, pas sur le projet). Il est légal mais pas légitime ; voilà son problème. Pour y répondre il choisit de créer le chaos. Et on peut craindre que dans un premier temps –viendra ensuite celui de la réflexion et la possibilité de reconquête- il risque de toucher, à l’élection européenne du 26 mai avec 7 listes à gauche, les dividendes de sa tactique irresponsable.

Pendant ce temps, ceux qui se veulent les maitres du monde continuent d’organiser la mondialisation heu-reuse… pour eux.

Ainsi Macron est allé à Aix-la-Chapelle signer, avec Angela Merkel, la chancelière de RFA, un traité franco-allemand qui remet en cause, sans faire de bruit et dans le silence médiatique le plus suspect, les fonde-ments de la République française. On pourra toujours mettre le drapeau tricolore dans les classes, les sans-culotte de 89 (et de 92 !) ne le reconnaitront plus.

« Jupiter » a aussi donné sa bénédiction à la signature de l’accord entre l’UE et Singapour. Après le TAFTA, le CETA, puis le JEFTA (accepté le 12 décembre 2018), c’est un nouvel accord de libre-échange qui vient d’être validé par la majorité libérale du parlement européen : plus de droit de douane, accès aux marchés publics, entre autres et ceci au détriment tant des emplois locaux que des normes environnementales. Singapour, le modèle futuriste…

Personne ne sait ce dont sera fait notre avenir. Proche avec des gilets jaunes épuisés mais résistants mais dont on peut craindre que leur révolte ne voit pas la satisfaction de leur revendications ; et à moyen terme, quelle déflagration ces inconscients qui nous gouvernent prennent-ils le risque de nous préparer ?