L’édito de novembre 2018
numéro 173
Mis en ligne le 30 novembre 2018

Nous sortons des cérémonies de célébration de l’armistice de la 1ère guerre mondiale. Le Président n’a pas été capable de traverser cette période –pourtant propice à unité nationale- la tête haute. Outre son invitation à Erdogan, l’islamiste turc, qui a saisi l’occasion pour défiler dans les rues de Paris en faisant le signe des Frères Musulmans, outre, à rebours, « l’oubli » d’inviter la Serbie, alliée fidèle de la France dans ce conflit, Macron a osé évoquer Pétain, le collaborateur antisémite, traitre à la nation, dégradé, frappé d’indignité nationale et démis de tous ses titres, condamné à mort à la Libération (peine commuée par De Gaulle en raison de son âge), parmi les maréchaux à honorer.

Une gaffe de plus ? On peut se poser la question.

Sur le fond d’abord : Macron n’aime ni son peuple (faut-il rappeler, ce que je faisais dans mon précédent édito, les expressions qu’il emploie pour parler des Français ?), ni l’histoire républicaine et universaliste de la France. Il se rattache profondément à cette prétendue « élite » totalement mondialisée. Sur la forme ensuite : pendant qu’on parle de ça, on ne parle pas d’autre chose ! On ne parle pas des cadeaux fiscaux aux plus riches et aux entreprises du CAC40. On ne parle pas de la dégradation du pouvoir d’achat. On ne parle pas des hôpitaux qu’on ferme, des bureaux de poste qui disparaissent, de l’énergie qu’on privatise, de l’augmentation de l’emploi précaire… et on ne parle de la fausse augmentation des feuilles de paie obtenue par la baisse des cotisations sociales, bref par un cadeau fait aux patrons avec la baisse du salaire différé. On ne parle pas de la réforme en préparation de la sécurité sociale qui a pour but, en en baissant le financement et en en accélérant le changement de sa forme de financement, de terminer de soustraire sa gouvernance des mains des représentants des salariés.

Ainsi il sera plus facile de faire travailler les malades depuis leur lit en installant le télétravail… car c’est la dernière trouvaille annoncée par le 1er ministre. J’ai d’abord cru à un « fake ». Mais non ! J’attends avec impatience qu’on nous en dise plus sur le montage financier. Est-ce que l’employeur paiera pendant l’arrêt maladie ? Dans ce cas on trouvera sans doute judicieux de le dispenser de cotisations sociales, inutiles puisque le patron assume toujours le (seul) salaire (direct) n’est-ce pas ? Ou bien, c’est la sécu qui paiera… un travail effectué pour le patron ? Bref, le gagnant sera toujours le même ! Nous avons que cette réforme, totalement effarante mais commentée avec sérieux par les médias, ne verra pas le jour… pour le moment. Il s’agit juste de poser des jalons, d’habituer les salariés à ce discours soi-disant « moderne », en fait totalement rétrograde, et en opposition avec le modèle français de solidarité.

Combien de temps notre peuple va-t-il accepter cela, ce changement radical de société que leur impose un président élu par les circonstances électorales –et l’irresponsabilité d’une gauche égocentrique- avec 18% des inscrits ?

Manifestement ça craque. En dehors de tout.

Et il nous faut revenir sur la mobilisation des « gilets jaunes », le 17 novembre.

Comment est-elle partie ? On ne sait pas trop. En partie d’un fantasque « comité national de transition » dont l’expression relève de la psychiatrie. En partie dit-on aussi, rapidement récupéré par l’extrême-droite. Les affiches et slogans qu’on peut voir sur le net, racistes, antisémites et antisyndicaux qui accompagnent certains appels le confirmeraient.

Mais attention à ne pas tomber dans le piège tendu, entre autres par les macronistes (« le choix, c’est entre nous, les libéraux ou eux, les nationaux-populistes »), nous ne sommes pas aux portes du fascisme. Le 17 novembre 2018 n’est pas le 6 février 1934. Il est dangereux, comme cela a pourtant été fait à gauche, de le laisser entendre.

Certes non, les organisations syndicales et les partis de gauche ne sont pas à l’initiative.

Il serait dommage qu’ils ne saisissent pas l’occasion pour s’interroger sur leurs difficultés à mobiliser -et/ou à « nationaliser » les nombreux conflits du travail- sur des sujets qui le méritent bien, tels la défense des retraites, des services publics ou du code du travail.

De fait, le 17 novembre surfe sur le profond mécontentement des Français ; cela dépasse bien largement l’augmentation du prix des carburants qui n’a été que la goutte d’eau qui a libéré l’exaspération et la colère.

Et ne perdons pas de vue que des bobos urbanisés, pas tous macronistes d’ailleurs, qui donnent des leçons d’écologie à des ruraux déclassés qui n’ont d’autre choix que d’utiliser leur automobile diesel vieille de 10 ou 15 ans -dans la France profonde, les transports en commun ça n’existe pas- pour rejoindre un travail précaire et mal payé, cela relève d’un mépris de classe insupportable.

De la même manière que les menaces gouvernementales relayées par des Préfets-perroquets, les condamnations des « gilets jaunes » sans analyse, sans recul, sans regards sur eux-mêmes, sur leur propre réalité, proférées par certains syndicats, y compris par la confédération CGT, sont totalement inopérantes et, pis, contre-productives pour leur crédibilité à venir.

Le rôle de la gauche politique et syndicale serait de procéder –enfin et à nouveau- à un travail d’éducation populaire.

En partant des premières revendications de cette initiative, il faut faire savoir que le gouvernement a CHOISI d’augmenter le prix des carburants en même temps qu’il ferme les petites lignes SNCF régionales et locales. Et cela alors que d’autres choix étaient possibles, comme de taxer le kérosène des avions, le diesel des transports routiers par camions, et surtout de lutter contre l’optimisation fiscale du groupe TOTAL et de taxer fortement ses 10 milliards de profits. C’est la décision du « président des riches » contre l’intérêt général.

Ce n’est qu’en étant aux côtés de l’exaspération populaire que partis et syndicats, sans apparaitre comme cherchant à récupérer, pourront effectuer leur mission d’éducateurs. Ce n’est qu’en entendant le ras-le-bol, qu’en intégrant les colères quelquefois mal dirigées, que la gauche, dans son ensemble, retrouvera le crédit perdu.

Tout commence par notre présence auprès du peuple. C’est ce que RESO essaiera de faire entendre, modestement mais fermement, à nos partenaires de discussion et d’action.

Marinette Bache