NON à la retraite à points !
Par Jean Claude CHAILLEY
Mis en ligne le 22 octobre 2018

Les réformes précédentes :

1967 : De Gaulle divise la Sécurité Sociale en branches, dont la branche retraites, prélude à un éclatement qu’on a pu empêcher jusqu’à maintenant
1993 : Réforme Balladur : privé. Entraîne une baisse constante des pensions
2003 : Réforme Raffarin – Fillon : alignement tous régimes sauf régimes spéciaux.
2010 : Réforme Fillon – Woerth : alignement des régimes spéciaux.
2018 : Réforme Macron – Philippe : le PLFSS 2019 entend désindexer les pensions de l’inflation : tous régimes.
2018 – 2019 : Macron – Buzyn veulent imposer la réforme à points : tous régimes.

Une réforme fondamentale :

- Agnès Buzyn : « ce ne sera pas une énième réforme des retraites…ce n’est pas un problème technique c’est un projet de société ». (Buzyn est claire : le problème n’est pas la mise au point « technique »)
- CGT : Catherine Perret (bureau confédéral)  : « c’est un big-bang. L’objectif c’est une chute sans fin des pensions qui représentent 14 points de PIB en France, les exigences de l’Union européenne étant de 11 % »
- FO : » individualisation et incertitude permanente, régime unique et ainsi casse des régimes existants et donc des statuts selon une logique de « déprotection », menaces sur nos principes de solidarité et d’égalité. La retraite par point c’est le travail sans fin, le régime unique c’est un modèle inique ».
- FSU : « La transformation d’un système par annuités en un régime à points … remet en cause le code des pensions lié au statut de la fonction publique… ».
- Solidaires : Nous passerions donc d’un régime qui présente une sécurité certaine à un régime fait d’incertitudes…L’objectif est d’adapter le système des retraites aux contraintes économiques et démographiques... »

Qu’est-ce que la réforme à points ?

- L’acquisition de points : les cotisations sociales d’un mois (salaire socialisé) sont divisées par le prix d’acquisition du point à ce moment. Donc on obtient un nombre de points. Ce nombre de points est cumulé tant qu’on travaille.
- La pension : c’est le nombre de points accumulé multiplié par le prix de service du point à un moment donné. Le prix de service est différent du prix d’acquisition.
- Contrairement aux mensonges médiatiques les 16 millions de retraité-e-s sont donc concerné-e-s.

Macron : « C’est l’équité : 1 euro cotisé donne les mêmes droits pour tous ». L’équité c’est le libéralisme opposé à l’égalité. Ce principe est si libéral qu’il ne peut pas être appliqué intégralement :
- Une personne née handicapée, ne pouvant pas travailler, n’aurait aucune pension. C’est cela « l’équité ».
- Macron est donc obligé d’aménager « l’équité », à grand renfort de com anesthésiante.
- La réforme à points est viscéralement libérale, individualiste : elle détruit la solidarité de notre Sécurité Sociale qui réduit nettement les inégalités dans les pensions, même si c’est insuffisant.
- En Suède – le modèle de Macron, le modèle européen - les inégalités augmentent sans cesse. Les carrières hachées, les femmes sont particulièrement pénalisées. _ Nous opposons l’égalité. Voir nos exigences ci-dessous.

Pas de borne d’âge. L’âge de départ en retraite maintenu à 62 ans (voire 63 ans par pénalisation à 62 ans), c’est du trompe l’œil !
- Il faudra travailler jusqu’à ce qu’on ait assez de points, et ça sera de plus en plus âgé.
- En Suède on va vers les 70 ans, en cumulant de plus en plus souvent emploi et retraite pour survivre.
Double impossibilité de connaître le montant de sa pension.
- Le prix d’acquisition des points varie. Pour faire baisser la pension on augmente le prix d’acquisition, donc on obtient moins de points.
- La valeur de service du point lorsqu’on prend sa retraite ou lorsqu’on est en retraite varie. Pour faire baisser la pension on la réduit.
- Donc le flou total, dans la certitude que les pensions baisseront. En Suède où elles ont déjà beaucoup baissé.

Suppression des 42 régimes de retraite, privé, public, régimes spéciaux, régimes complémentaires.
- Les 75 % du salaire des 6 derniers mois dans le public disparaissent.
- Les 25 meilleures années du privé aussi, ainsi que les avantages éventuels de tel ou tel régime.
- La pension est constitutive du statut de la fonction publique, statut que Macron veut détruire définitivement, comme tous les statuts (cf CAP 22)
- Attaquer la retraite, le statut qui lui est lié, c’est attaquer le salaire dans toutes ses composantes (salaire brut, salaire socialisé).

La règle d’or
- Les pensions à un moment donné résultent des décisions du comité de pilotage en fonction des majorités politiques, des priorités, des « contraintes » budgétaires européennes ou autres, d’une crise, de l’espérance de vie…
- Les jours de crise, on baisse les pensions (pendant la dernière crise les pensions ont baissé de 9 % en Suède). La pension est déjà passée de 70 à 55 % et ça continue.
- Les « projections » du COR, le Conseil d’Orientation des Retraites :

% de pension nette par rapport au salaire net

Aucune justification à la baisse des pensions :
- Il n’y a pas de déficit des retraites (mais à quel prix !), ni même de déficit prévu.- Il y a de l’argent : en 2019 le gouvernement accroît les exonérations et exemptions de cotisations sociales (salaire socialisé) de 20 à 25 Md en année pleine, pour un total qui devrait approcher les 70 Md. 70 Md c’est plus que le déficit de la France !
- L’Agirc et l’Arrco (fusionnés le 1er janvier 2019) ont 116 Md de réserves nettes. Le gouvernement osera t-il les voler aux retraités actuels et futurs ?

Répartition + capitalisation : clarifier

  • Le projet de retraite à points, tel qu’on le connaît pour l’instant, reste dans le cadre de la répartition : les sommes collectées (cotisations sociales et de plus en plus la fiscalité) sont reversées immédiatement.
  • Pourtant l’objectif c’est de développer la capitalisation :
    • Par la faiblesse des pensions.
    • Par le plafonnement des points à 3 plafonds de la Sécurité Sociale pour les 300 000 salariés dont le salaire le dépasse : on les force à capitaliser au lieu de cotiser pour augmenter leur retraite et participer à la solidarité.
    • La loi Pacte élargit l’intéressement et la participation (au détriment des salaires) dans le but de créer des fonds de pension se substituant aux banques pour les projets trop risqués
    • En Suède la capitalisation est en partie obligatoire, en partie facultative.
    • L’union européenne crée des fonds de pension européens.

Coup double pour le MEDEF, pour les multinationales
- Baisse sans fin de la part dite patronale des cotisations
- La baisse des pensions ouvre la voie à la capitalisation avec tous les risques pour les salariés (faillite d’Enron, Maxwell…).

La pension de réversion n’est en rien sauvée par les déclarations lénifiantes à la télé.
- Le principe « 1 euro cotisé… » c’est sa disparition : pas de travail, pas de points.
- Macron a annoncé son maintien le 10 octobre, mais ça ne veut rien dire pour 2 raisons : a priori on ne connaît ni le niveau ni la durée (par exemple les règles Agirc – Arrco sont plus favorables que les règles de la Sécu. Lesquelles seront adoptées ? On peut avoir les plus grandes craintes pour les femmes du privé, ouvrières ou cadres). Et surtout une fois la réforme passée on peut la réduire sans cesse.
- En Suède il ne reste pratiquement plus de pension de réversion : elle ne dure au mieux qu’un an.
Droits familiaux, chômage, précarité, maladie, accidents du travail …
- Il restera forcément un minimum, mais on a toutes les raisons de craindre une perte de droits importante car les dispositifs actuels bien qu’insuffisants sont coûteux.

Cette réforme est pire pour les jeunes (baisse continue), pire pour les femmes (salaires plus bas, temps partiels…), donc catastrophique pour les jeunes femmes…

Une ultime réforme pour baisser les retraites sans fin…en évitant les mobilisations
- Lorsqu’on modifie l’âge de la retraite… il y a risque de mobilisation (réforme Sarkozy).
- Lorsqu’il n’y a plus d’âge, lorsque par exemple le comité de pilotage modifie légèrement la valeur du point d’achat, ça diminue un peu le nombre de points acquis chaque mois, mais l’effet sur la pension se fait sentir à long terme. Donc la mobilisation est beaucoup plus dure.
C’est en ce sens que le gouvernement dit que c’est « l’ultime réforme » : une fois adoptée on fait ce qu’on veut.

Danger ! La stratégie anti mobilisation de Macron – Buzyn – Delevoye est redoutable !
- La CGIL a alerté qu’une fois la retraite à points faite, on peut l’aggraver sans fin.
- Macron en fait miroiter qu’il maintient les droits, voire les améliore (prise en compte du 1er enfant, des primes dans la fonction publique). Leurs promesses n’engagent que ceux qui y croient !
- La réforme est reportée après les européennes : trop impopulaire. Mais ensuite il peut y avoir procédure accélérée pendant l’été pour l’éloigner des municipales.


La casse des retraites, c’est la casse de la Sécu !

Les retraites sont le 1er budget de la Sécu. Supprimer la branche retraite c’est casser la Sécu en 2.
Cette réforme va avec la fiscalisation de la Sécu en cours, frontalement opposée à la Sécurité Sociale d’Amboise Croizat : « chacun COTISE selon ses moyens et reçoit selon ses besoins »
La fiscalisation – étatisation de la Sécu c’est le retour à l’assistance pour pauvres (que Macron fait semblant de tant aimer) au détriment des DROITS pour toutes et tous.
C’est le projet du MEDEF, de l’Union européenne, le même qu’aux USA : l’assistance minimaliste pour très pauvres et les complémentaires et fonds de pensions hors de prix pour la masse des salariés

La lutte contre la réforme à points est décisive dans la défense et reconquête de la Sécu.


Quelle stratégie pour le mouvement social ?

Leur projet de loi n’est pas déposé mais on en connaît suffisamment.

De nombreuses organisations syndicales, politiques, associatives, se sont exprimées contre le principe de la réforme à points. Toutes les générations sont concernées, le public comme le privé, comme les régimes spéciaux.

Le temps n’est-il pas venu de mobiliser unitairement pour l’abandon de la réforme de façon à empêcher un recul historique.
Pour l’instant les concertations se font sur une éventuelle limitation des dégâts, qui de toute façon seront réintroduits ensuite.
- Après l’abandon, sur la base du rapport de forces, on peut négocier sur nos revendications.
- Provocation : pendant les concertations le gouvernement ne revalorise les pensions que de 0,3 %, bien au-dessous de l’inflation, ce qui est illégal dans la réforme Balladur ! Et en plus il repousse la maigre revalorisation d’octobre à janvier !
- Macron a une majorité béton à l’Assemblée nationale sur la réforme à points : aucun amendement PC, FI,…ne passera.
- Sarkozy avait renoncé à la réforme à points par crainte des mobilisations. C’est donc possible !