Journal Resistance Sociale n° 153
Novembre 2016
Mis en ligne le 5 décembre 2016

Au sommaire ce mois-ci :

p.1 et 2 : L’édito / p.2 : Solidarité internationale / p.3 à 6 : Place au débat (Par Jean-Claude CHAILLEY) / p.6 : Actualité internationale / p.7 : Convergence Services Publics : Appel / p.8 : Coup de gueule (Par Ma-rie BERTHOMMIER)

L’édito de Marinette Bache :

Durant des mois les sondeurs nous ont affirmé que le prochain candidat de la droite serait Alain Juppé et qu’il avait toutes les chances de devenir aussi le prochain président de la République. Sauf que – patatras -les primaires n’ont pas donné le résultat attendu. C’est donc Fillon, le troisième homme, celui que personne n’attendait, qui se satisfaisait d’être relégué au rang de « collaborateur » de Sarkozy, qui l’a emporté. La droite vient donc de se choisir un candidat thatchérien, prêt à supprimer une bonne partie de la fonction publique et à démanteler la sécurité sociale s’il devait par malheur être élu président de la République. C’est aussi le candidat de la droite socialement réactionnaire, partisan de la « manif pour tous » et soutenu par les catholiques intégristes. On n’aura donc pas une double ration de frites mais une double ration de Le Pen.

La droite a choisi un candidat de droite. La gauche saura-t-elle choisir un candidat de gauche ? Rien n’est moins sûr. L’émergence de Fillon pourrait être une bonne nouvelle pour la gauche si elle parvenait à se rassembler autour d’un vrai candi-dat de gauche, mais y parviendra-t-elle ? Hollande pense toujours à se représenter, Valls aimerait bien prendre sa place et les candidats de la gauche socialiste ne sont pas à ce jour parvenus à s’entendre pour qu’il n’y en ait qu’un seul qui se présente aux primaires. Et pourtant, le temps presse. Jean-Luc Mélenchon continue son parcours solitaire, soutenu maintenant officiellement par une partie des communistes, qui ont choisi cette option lors de leur vote interne. Macron creuse lui aussi son sillon, espérant nous refaire le coup de Giscard, avec l’appui de quelques pseudos socia-listes. Le PRG se lance à son tour sans passer par la case « primaires » tandis qu’il semble peu probable que le MRC franchisse la barre des 500 signatures… De fait, la France semble se recouvrir de naphtaline quand d’autres pays ouvrent la voie à une nouvelle ère. On a beaucoup parlé du Brexit, mais le plus important n’est-il pas qu’Outre-Manche, une dirigeante conservatrice veuille augmenter le SMIC de 4 % et prône une politique de croissance ? La Suède, elle, vient de mettre en place la journée de 6 heures. A noter qu’aux Etats-Unis, la nouveauté n’est pas seulement l’élection de Trump avec moins de voix que son adversaire Hillary Clinton (on se doute que le recomptage des voix dans 2 ou 3 états ne changera pas la donne finale), mais le score de Bernie Sanders aux primaires démocrates, installant ainsi, pour la 1ère fois depuis longtemps, une véritable gauche dans le paysage politique de ce pays. C’est ce moment où on sent que l’histoire peut basculer dans un sens ou un autre qu’a choisi Fidel Castro pour quitter ce monde. Le dirigeant cubain a toujours été une personnalité controversée, mais l’hommage que ne manquera pas de lui rendre le peuple cubain est sans doute la meilleure réponse à ceux qui ne voyaient en lui qu’un dictateur. N’oublions pas, en effet, que, malgré l’embargo qui le frappe, Cuba est l’un des pays où on est le mieux soigné, où l’analphabétisme a quasiment disparu, où la pauvreté n’empêche pas les gens d’avoir un domicile. La meilleure preuve sans doute que le capitalisme n’est pas la seule ni la meilleure solution. Il est d’ailleurs amusant de constater que le temple du capitalisme – FMI et Banque mondiale – en vient à mettre en doute les recettes libérales prônées depuis 30 ans.

L’austérité et le zéro déficit semblent ne plus être l’alpha et l’oméga de la politique à suivre. Même la Commission européenne vient, sans le dire ouvertement, de renoncer à l’application stricte des 3 % ! Cela n’a sans doute pas fait sourire Merkel et son ministre des finances mais la chancelière allemande, candidate à un quatrième mandat, n’a plus autant le vent en poupe qu’à ses débuts.

En France, côté social, il faut noter la prochaine grève prévue le 8 décembre à La Poste pour dénoncer les conditions de travail et les réorganisations incessantes. Depuis des années La Poste ne cesse de mettre en œuvre des réformes qui déstabilisent l’ensemble de ses personnels, employés et cadres, sans qu’une stratégie claire ne soit visible. On supprime des bureaux de poste tant en zone rurale qu’en centre-ville, au grand dam des usagers et notamment des personnes âgées, qui ne trouvent pas leur compte malgré les nouveaux services. La Poste vante la ville toute numérisée mais les moyens des collectivités territoriales ne leur permettent pas d’accéder à ces villes du futur. La direction pour-rait s’appuyer sur la baisse continue du courrier pour mettre en place un plan social de grande ampleur dans les prochaines années, oubliant que le secteur publicitaire, les journaux et le colis apportent toujours plus de travail. De leur côté, même si ça ne fait plus la une de la presse, les policiers ne désarment pas tandis que les pompiers manifestent à leur tour leur colère, de même que les che-minots. Quant au monde hospitalier, il n’en peut plus de vivre l’enfer. On peut regretter que ces luttes soient éparpillées et ne donnent pas lieu à un mouvement d’ensemble et il est à craindre que l’élection présidentielle soit encore une occasion ratée pour évoquer les problèmes sociaux même si les propositions de la droite seraient sans doute de nature à engendrer une grave crise sociale si elles étaient appliquées.